Le cautionnement et la garantie autonome sont les deux principales sûretés personnelles visées par l’article 2287-1 du code civil dont l’usage est particulièrement prisé en matière immobilière. Nous nous attacherons ici à en rappeler les principales différences ainsi que les apports de la Réforme des Sûretés par ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021.
Rappel sur les garanties personnelles (cautionnement et garantie autonome) et le contexte des baux commerciaux
Selon la rédaction nouvelle de la définition du cautionnement résultant de la Réforme, et dans le cadre d’un bail civil ou commercial, « le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier (le bailleur) à payer la dette du débiteur (le locataire) en cas de défaillance de celui-ci » (art. 2288 du Code civil). Le locataire, débiteur principal, est estimé défaillant lorsqu’il n’exécute pas son obligation à l’échéance. Il convient d’ailleurs de préciser qu’en dépit de cette nouvelle rédaction, le cautionnement n’est pas limité à la garantie de paiement de sommes d’argent et peut toujours garantir l’exécution d’autres obligations même si, en pratique, il est essentiellement utilisé pour garantir les obligations financières du locataire. Dès le moment où l’obligation principale sera exigible, à savoir le paiement des loyers, charges et accessoires, le bailleur pourra ainsi réclamer le paiement à la caution.
Le cautionnement reste, et c’est là toute la différence avec la garantie autonome, une garantie accessoire de l’obligation principale du débiteur-locataire. La caution peut invoquer des exceptions pour échapper à son obligation de paiement, nous y reviendrons ci-dessous. Des difficultés peuvent s’élever concernant l’étendue du cautionnement dans le temps, concernant l’engagement de la caution, ou encore lorsque celle-ci est une personne physique n’agissant pas à titre professionnel et le bailleur un professionnel. De plus, il convient de faire attention au sort du cautionnement dans certaines circonstances telles qu’une cession du bail ou la fusion affectant l’une des parties au cautionnement, comme il sera précisé ci-après.
Le plus souvent dans les baux commerciaux, le cautionnement est stipulé solidaire, ce qui a pour conséquence de faire renoncer la caution au bénéfice de discussion (c’est-à-dire au droit d’exiger que le créancier-bailleur « discute » en premier lieu le paiement avec le débiteur-locataire) et au bénéfice de division (c’est-à-dire le droit d’exiger du créancier qu’il divise son action entre les divers cautions-garants). Ainsi, une caution peut être amenée à payer l’intégralité de la dette, à charge pour elle d’exercer ses recours pour se faire rembourser avec les risques inhérents à la défaillance initiale du débiteur-locataire.
La garantie autonome, ou garantie indépendante est l’autre sûreté personnelle très utilisée en pratique et surtout réclamée par les bailleurs. Ce mécanisme se définit comme « l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant les modalités convenues » (art. 2321 du Code civil). La garantie autonome peut donc en pratique revêtir plusieurs formes, en étant tout d’abord « à première demande », c’est-à-dire que le garant doit payer au premier appel du bénéficiaire sans que celui-ci ait à fournir aucune explication ou document ou bien « à première demande justifiée », le bénéficiaire doit ici indiquer les raisons du déclenchement de la garantie ou encore « documentaire », lorsque le bénéficiaire doit indiquer les raisons du déclenchement de la garantie et fournir à cette fin les documents prévus contractuellement à cet effet. Aujourd’hui, ces garanties sont interdites pour les crédits à la consommation et les crédits immobiliers (art. L. 314-19 du code de la consommation) et, pour les baux d’habitation, elles ne sont permises que pour remplacer le dépôt de garantie et non pour permettre une garantie plus large (art. 22-1-1 de la loi du 6 juill. 1989).
L’efficacité indéniable de la garantie autonome réside dans l’impossibilité pour le garant d’invoquer toute exception tenant à l’obligation inexécutée pour éviter le paiement de la dette, sauf cas d’abus ou de fraude.
La principale difficulté de la garantie autonome réside dans sa rédaction qui doit respecter son caractère autonome et non accessoire alors qu’elle se trouve souvent à la frontière du cautionnement. Pour éviter la requalification du contrat en cautionnement, il faudra que l’objet de l’obligation du garant ne soit pas la propre dette du débiteur. À ce sujet, la jurisprudence est particulièrement importante et les juges font prévaloir la véritable nature de l’engagement sur la dénomination donnée par les parties.
Les principales modifications apportées au cautionnement par la réforme du droit des sûretés
Sur le fond, l’ordonnance du 15 septembre 2021 est porteuse de plusieurs modifications relatives à l’opposabilité des exceptions tout d’abord. L’article 2296 du code civil rappelle en effet que le cautionnement est l’accessoire des obligations garanties et « ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie ».
Ensuite, l’article 2298 met fin aux incertitudes résultant d’années de jurisprudence variable à ce sujet et reconnaît que « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur… » sous réserve du cas d’incapacité du débiteur. C’est une modification importante puisqu’auparavant, la caution ne pouvait pas invoquer d’exception personnelle au débiteur pour éviter de payer le bénéficiaire de la garantie (le bailleur). La jurisprudence était venue cependant tempérer ce principe, mais les décisions manquaient de cohérence. On peut saluer cette clarification du législateur.
La réforme du 15 septembre 2021 comporte par ailleurs plusieurs modifications majeures relatives au cautionnement donné par des personnes physiques.
En premier lieu, concernant ses règles de formation et son étendue, deux points qui ont suscité beaucoup de contentieux. Désormais, le champ d’application du formalisme de l’article 2297 vise tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques. La caution, personne physique, dorénavant « s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimés en toutes lettres et en chiffres ». La simplification est patente y compris en cas d’engagement de cautionnement solidaire puisqu’à l’ancienne exigence de mention manuscrite pointilliste, la loi exige simplement que la caution « reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites » (art. 2297, al. 2, cciv). Ainsi, en l’absence de mention explicitant les effets des bénéfices de discussion et de division, la clause les supprimant sera privée d’effet.
L’article 2300 du Code civil apporte une précision importante quant à l’étendue du cautionnement. Désormais, en cas d’engagement souscrit envers un créancier professionnel qui serait « manifestement disproportionné », l’engagement est réduit non pas à ce qui peut être payé par la caution poursuivie, mais au montant qu’elle aurait pu verser sans disproportion au moment auquel les parties auraient dû, ab initio, plafonner le cautionnement, lors de la conclusion de la sûreté.
Le créancier professionnel est tenu d’un devoir de mise en garde vis-à-vis de la caution lorsque l’engagement du débiteur (locataire) est inadapté à ses capacités financières ; il doit également l’informer des incidents de paiement du débiteur. Bien qu’il y ait des interrogations sur le contenu de l’information, le bailleur, en tant que créancier professionnel (ayant agi dans le cadre de son activité professionnelle), doit une information globale à la caution.
Une autre question est celle de la détermination de la durée du cautionnement, que vient clarifier l’ordonnance de 2021 dans les articles 2315 et suivants. On sait que la durée du cautionnement même donné par une personne physique peut être à durée déterminée ou indéterminée. La loi précise désormais que le cautionnement de dettes futures à durée indéterminée offre à la caution le droit « d’y mettre fin à tout moment » sauf stipulation contractuelle d’un délai de préavis spécifique. En l’absence de clause, ce droit doit s’exercer sous réserve de respecter un « délai raisonnable » dont la jurisprudence devra préciser sa détermination.
Est également apportée une précision concernant l’obligation de couverture de la caution, là où la jurisprudence avait élaboré diverses solutions, la loi dispose plus simplement que « lorsqu’un cautionnement de dettes futures prend fin, la caution reste tenue des dettes nées antérieurement ». Solution qui s’appliquera « sauf clause contraire » (art. 2316 cciv).
Le cautionnement en cas de changement de débiteur et de changement de créancier, l’exemple du cas de cession et fusion
Pendant le cours du cautionnement, des événements peuvent affecter la personne de la caution, du créancier ou du débiteur. Là aussi, la réforme apporte des solutions clarifiées.
Selon la jurisprudence, le changement de débiteur ou de créancier, par fusion, scission ou dissolution entraînant transfert du patrimoine social à l’associé, a été jugé comme éteignant l’obligation de couverture de la caution (extinction de toute obligation pour le futur).
Pour le cas d’une fusion absorption, la jurisprudence avait consacré ce principe (Cass. com. 25 oct. 1983) ; il est repris par l’ordonnance en son article 2318. Ainsi, en cas de fusion, absorption ou dissolution entraînant le transfert du patrimoine à l’associé, affectant le débiteur (locataire) ou le créancier (bailleur), la caution reste tenue des dettes nées antérieurement à cet événement. L’article 2318, à nouveau, prévoit en outre l’extinction automatique de la garantie de la caution pour les obligations futures en cas de survenance d’un des événements précédemment mentionnés affectant le débiteur principal ou le créancier, sauf consentement donné a priori ou a posteriori à son maintien.
La loi précise enfin que tout événement affectant la caution personne morale, fusion, scission ou dissolution, entraîne la transmission des engagements de la caution à la nouvelle entité, donc à la fois son obligation pour le passé et son obligation de couverture des dettes futures.
Il est intéressant de mettre ces solutions en perspective avec le sort du cautionnement en cas de vente de l’immeuble occupé par le locataire garanti puisque sauf stipulation contraire dans le cautionnement, ce dernier reste en vigueur et bénéficie désormais au nouveau propriétaire-bailleur. Cette solution résulte d’un arrêt de la Cour de Cassation réunie en Assemblée Plénière du 6 décembre 2004. Ainsi, en cas de vente de l’immeuble, le principe est la transmission du cautionnement au profit du nouveau propriétaire ; mais si le propriétaire de l’immeuble fait l’objet d’une des opérations précédemment envisagées et modifiant sa personnalité juridique, le cautionnement ne lui bénéficie plus en principe pour l’avenir. On peut s’interroger sur la cohérence de ces solutions.
Enfin, on mentionnera pour comparaison qu’en application de l’article 2321 du code civil la garantie autonome ne se transmet pas au nouveau créancier (propriétaire-bailleur) sauf convention contraire. Le principe retenu est donc inverse. Il est mis fin en principe à l’obligation de couverture pour l’avenir. D’où l’importance de la rédaction d’une garantie autonome qui doit échapper au risque d’être requalifiée en cautionnement et de prévoir les divers événements pouvant affecter les parties à la garantie.