Non-application du taux réduit aux livres numériques fournis par voie électronique

Le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas à ce que les livres, journaux et périodiques numériques fournis par voie électronique soient exclus de l’application d’un taux réduit de TVA.

La Cour constitutionnelle polonaise avait renvoyé une question préjudicielle à la CJUE sur le point de savoir si l’impossibilité, pour les Etats membres, d’appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de livres numériques fournis par voie électronique, méconnaît le principe d’égalité de traitement (Charte des Droits fondamentaux de l’UE, art. 20), dès lors que les livres numériques fournis sur tout type de support physique bénéficient de l’application d’un taux réduit de TVA s’ils ne sont pas consacrés entièrement ou d’une manière prédominante à la publicité (Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA, dans sa version résultant de la directive 2009/47/CE du Conseil du 5 mai 2009, art. 98).

La Cour constate tout d’abord que le mode de fourniture des livres n’a aucune importance pour atteindre l’objectif poursuivi par le législateur, à savoir favoriser la lecture, lorsqu’il a permis l’application du taux réduit de TVA aux livres numériques fournis sur tout type de support physique. Par conséquent, au regard de cet objectif, la Cour soutient que la fourniture de livres numériques sur tout support physique et leur fourniture par voie électronique constituent des situations comparables et qu’il existe une différence de traitement entre celles-ci, dès lors que les livres numériques fournis par voie électronique ne peuvent bénéficier de l’application du taux réduit de TVA.

Toutefois, la Cour, poursuivant son raisonnement habituel, considère que cette différence est justifiée. Il ressort en effet des travaux préparatoires de la directive 2002/38, s’agissant de l’imposition des services fournis par voie électronique, que le législateur poursuivait un objectif visant à « établir avec certitude le taux de TVA applicable aux services fournis par voie électronique et ainsi à faciliter la gestion de cette taxe par les assujettis et les administrations fiscales nationales ». Selon la Cour, le caractère légalement admissible d’un tel objectif ne peut être raisonnablement remis en question, dès lors qu’il répond au principe de sécurité juridique, qui lui est « sous-jacent ».

Enfin, la Cour juge que le législateur de l’Union a pu légitimement considérer que les autres possibilités qui s’offraient à lui n’étaient pas appropriées pour réaliser les objectifs poursuivis et considère, par suite, que la condition de proportionnalité est respectée (CJUE, Grande chambre, 7 mars 2017, aff. C-390/15).

Il est à noter que la Cour relève que le Conseil a prévu de réexaminer le système d’imposition applicable aux services fournis par voie électronique afin de tenir compte de l’expérience acquise. Elle constate par ailleurs que la Commission a annoncé son intention d’examiner une modification de la directive TVA (COM (2016) 148 final).

Il convient de rappeler que l’application par la France du taux réduit aux livres fournis par téléchargement a été condamné par la Cour de Justice (CJUE, 5 mars 2015, Affaire C-479/13). A défaut de modification législative, le taux réduit continue toutefois d’être appliqué.

Enfin, on retiendra que le Conseil Ecofin vient de se prononcer favorablement sur un projet de directive visant à autoriser l’application du taux réduit aux livres et journaux fournis par voie électronique.

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Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]