En matière de participation, la Réserve Spéciale de Participation (RSP) peut être répartie entre les bénéficiaires de trois manières : en fonction du niveau de salaire des intéressés, en fonction de leur temps présence au cours de l’exercice considéré, ou de manière uniforme. Une combinaison de ces différentes modalités de répartition est également admise (Code du travail, art. L.3324-5 alinéas 1 et 2).
Lorsque la RSP est, en tout ou partie, répartie en fonction du temps de présence, le code du travail neutralise certaines absences, limitativement énumérées, en les assimilant à du temps de présence. Il s’agit des périodes de congé de maternité, de congé de paternité et d’accueil de l’enfant, de congé d’adoption, de congé de deuil, ou encore de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, ainsi que des périodes de mise en quarantaine (Code du travail, art. L.3324-6). À la lecture des textes, comme à celle de la doctrine du ministère du travail, rien ne permet, a priori, de retenir une définition de la durée de présence plus favorable aux salariés absents que celle retenue par le code du travail.
Telle n’est pourtant pas la solution retenue par la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 septembre 2023, dans le cas d’un mi-temps thérapeutique faisant suite à un accident du travail.
En l’espèce, dans le cadre d’une action prud’hommale contre son employeur, une salariée de la société Newrest wagons-lits France réclamait le versement de primes de participation au titre d’une période de travail de mi-temps thérapeutique survenue à la suite d’un accident du travail. La salariée n’ayant pu, au cours de cette période, travailler à temps plein, l’employeur avait proratisé le montant de sa prime de participation en fonction du temps de travail réellement accompli au cours de l’exercice considéré, le mi-temps thérapeutique n’étant pas, rappelons-le, énuméré au nombre des absences légalement assimilées à du temps de travail.
Le Conseil de prud’hommes de Paris avait accepté de neutraliser le mi-temps thérapeutique et ordonné à la société de verser à la requérante la participation correspondant aux périodes non travaillées du mi-temps thérapeutique. La société avait alors formé un pourvoi en cassation contre la décision du Conseil des prud’hommes.
La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que « la période pendant laquelle un salarié, en raison de son état de santé, travaille selon un mi-temps thérapeutique doit être assimilée à une période de présence dans l’entreprise, de sorte que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’assiette de la participation due à ce salarié est le salaire perçu avant le mi-temps thérapeutique et l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé ».
L’arrêt est rendu au double visa des textes relatifs à la participation, bien sûr, mais aussi des articles L. 1132-1 du code du travail et 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant interdiction des discriminations directes et indirectes entre salariés.
Certes, la solution avait déjà été rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation s’agissant d’un accord d’intéressement (Cour de cassation, chambre sociale n°08-44616, 16 juin 2011). La Haute juridiction visait toutefois dans cet arrêt le seul article L. 3314-5 du code du travail assimilant les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail à du temps de présence et circonscrit son attendu aux seules « périodes non travaillées dans le cadre d’un travail à temps partiel thérapeutique consécutif à un accident du travail ».
Il était, bien sûr, logique d’avoir enfin une position cohérente non seulement avec la jurisprudence existant en matière d’intéressement mais également avec la définition du temps de présence posée par l’article L.3324-6 du code du travail pour la répartition de la RSP : en effet, en matière de participation, un mi-temps thérapeutique doit être assimilé à une période de présence et non plus à un simple temps partiel.
Dans son arrêt du 20 septembre 2023, la chambre sociale donne même une portée encore plus générale à son attendu : le mi-temps thérapeutique doit être neutralisé pour la répartition de la RSP qu’il soit prescrit à la suite d’un arrêt de travail d’origine professionnelle (à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle) ou non.
A notre avis, cette décision de la Cour de cassation ouvre également la porte à une assimilation à du temps de présence de la période de maladie d’origine non-professionnelle, la mettant sur le même plan que la période de maladie d’origine professionnelle, déjà assimilée par le code du travail à du temps de présence (L3324-6 2° du code du travail).
La décision ouvre également la voie, selon nous, à un alignement des positions entre la participation et l’intéressement : mi-temps thérapeutique et période de maladie toujours assimilés à du temps de présence, qu’ils résultent ou non d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, pour les besoins de la répartition de la participation comme de l’intéressement.
Enfin, on constate ici que les solutions retenues par la Cour de cassation s’inscrivent dans un mouvement plus général de neutralisation de la période de maladie par la chambre sociale, comme on l’a vu pour le calcul de l’indemnité de licenciement (Cour de cassation, chambre sociale, n°15-22.223, 23 mai 2017) ou celui des droits à congés payés (Cour de cassation, chambre sociale n°22-17.340, n°22-17.638 et n°22-10.529, 13 septembre 2023).