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Publication du Guide CIR 2025 – Épisode 1

Bien que le Guide CIR n’ait pas de valeur juridique, à la différence des commentaires de l’Administration (BOFiP), il présente l’analyse du Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (MESR) sur ce dispositif, et il constitue une grille de lecture utilisée par les experts durant les contrôles.

Cette nouvelle version, en date du 30 octobre 2025, est notamment marquée par la prise en compte des modifications apportées par la Loi de Finances pour 2025 (qui feront l’objet d’un descriptif détaillé dans nos prochaines publications relatives à la publication du Guide 2025) et par l’apport de précisions sur la notion d’activités « indispensables » à une opération de R&D.

Éligibilité des travaux indispensables à une opération de R&D

Pour rappel, la doctrine administrative (§100 du BOI-BIC-RICI-10-10-10-25) prévoit que, dès lors qu’une opération est qualifiée de R&D, « l’ensemble des travaux scientifiques et techniques indispensables à sa réalisation est considéré comme de la R&D, y compris dans le cas où ces travaux scientifiques et techniques, s’ils étaient pris isolément, ne constitueraient pas de la R&D. Sont considérées comme indispensables à la réalisation d’une opération de R&D les activités scientifiques et techniques qui participent à la création de connaissances et qui sont réalisées par des personnels de recherche définis au I-A § 1 et suivants du BOI-BIC-RICI-10-10-20-20. Ces activités indispensables sont éligibles au CIR. ».

Cette disposition découle directement de l’arrêt du Conseil d’État Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences(FNAMS)(CE , 9e et 10e ch. réunies, 22 juillet 2020, n° 428127CIR par la loi de finances pour 1983, et dont l’importance lors des contrôles fiscaux s’est accentuée au cours des dernières années : “une entreprise qui effectue des opérations de recherche-développement peut-elle inclure dans l’assiette du crédit d’impôt afférent à celles-ci le coût de travaux confiés à des prestataires privés agréés, lorsque lesdits travaux ne relèvent pas du champ de la recherche mais sont nécessaires pour la réalisation des opérations concernées de l’entreprise ?”

La Haute Juridiction répond par la positive à ce questionnement en cassant la décision de la cour d’appel de Paris  qui avait jugé que les prestations sous-traitées par la FNAMS ne lui ouvraient pas droit au CIR quand bien même elles s’avéraient indispensables à l’aboutissement d’opérations de recherches éligibles à ce dispositif, au motif qu’elles ne correspondaient pas à de véritables opérations de recherche et développement nettement individualisées (CAA Paris n° 18PA00256, 20 décembre 2018).

Selon le nouveau guide, le MESR vient préciser cette définition en apportant quatre critères cumulatifs permettant de qualifier une activité d’« indispensable » à une activité de R&D.

4 critères cumulatifs

Pour être qualifiée d’activité « indispensable » à une opération de R&D, l’activité en question doit désormais :

  • Critère 1 : être réalisée dans le cadre d’une opération répondant aux critères de la R&D ;
  • Critère 2 : avoir un objet en lien direct avec l’objet de la recherche menée dans le cadre de cette opération ;
  • Critère 3 : être réalisée par une personne ou une équipe qui présente des qualifications techniques pour comprendre et/ou mener celle-ci ; et
  • Critère 4 : aboutir à un résultat qui n’existe pas par ailleurs ou qui n’est pas accessible.

Face aux potentielles difficultés d’interprétation, le MESR fournit cinq exemples permettant d’illustrer l’application de ces conditions cumulatives dans différents domaines d’activité, tels que le secteur pharmaceutique ou technologique (IA, etc.).

Exemples d’application

Exemples d’applicationCritère 1Critère 2Critère 3Critère 4
L’activité de traduction d’un test psychologique, de langue étrangère en français ou d’un questionnaire de santé dans certaines études cliniquesL’activité s’inscrit dans le cadre d’une recherche permettant par exemple d’analyser les comportements des individus en société ou recruter les patients pouvant intégrer un essai clinique.Le test ou le questionnaire traduit, et la variable qu’il représente, sont bien en lien avec l’objet de la recherche menée à savoir ici l’étude des comportements ou l’essai clinique.L’activité est menée par des personnes qualifiées (linguiste et/ou psychométricien et/ou expert du domaine scientifique et médical) permettant l’usage d’une méthode de traduction psychométrique reconnue.Il n’existe pas de version française validée de ce test ou de ce questionnaire.
L’activité de caractérisation d’un matériauL’activité s’inscrit dans le cadre d’une opération R&D, jugée éligible, et permettant, par exemple, d’optimiser les performances d’un groupe motopropulseur original d’un véhicule.La caractérisation est bien en lien avec l’objet de la recherche menée ici, à savoir, par exemple, la minimisation des pertes d’énergie magnétique dans les matériaux et leur influence sur l’autonomie du véhicule équipé par ce groupe motopropulseur.L’activité est menée par des personnes qualifiées et capables (maîtriser le dispositif utilisé, comprendre la technique de mesure des pertes magnétiques, etc.)Il n’existe pas de base de données accessible librement, proposant les caractéristiques recherchées et relevées dans les mêmes conditions que celles de l’étude en question.
La collecte de données destinée à l’entraînement d’un modèle d’Intelligence Artificielle (IA)L’activité s’inscrit dans le cadre d’une opération de recherche jugée éligible dont l’objectif est par exemple de construire un nouveau type de modèle IA intégrant des capacités de raisonnement accrues ou un comportement innovant.La collecte des données est directement utile à l’apprentissage du modèle IA construit, c’est-à-dire qu’elle intègre la mise en place d’un pipeline de traitements : contrôle du volume et du format, détection des anomalies, validation de la qualité, conformité aux exigences légales, etc.L’activité mobilise des personnes qualifiées, c’est-à-dire aptes à répondre aux enjeux de cette activité, telles que l’échantillonnage temporel, la reprise sur incident, la représentativité statistique ou la gestion de flux hétérogènes de données.Il n’existe pas d’autre source de données disponible librement, ou sur étagère, capable de remplacer les données collectées et répondant aux besoins spécifiques du modèle IA en construction.
L’activité de dosage protéique par des tests ELISAL’activité s’inscrit dans le cadre d’une opération de R&D par exemple sur la caractérisation des protéines de stress lors de l’adaptation de la réponse des végétaux aux changements climatiques.Le dosage des protéines sécrétées par le végétal en réponse au stress environnemental est un paramètre indispensable pour déployer et juger de l’impact d’une stratégie permettant de réduire les conséquences de ces stress sur la croissance végétale.L’activité de dosage ELISA est menée par un ou des techniciens qualifiés capables, de mettre en place un protocole expérimental optimal avec les anticorps et sondes les plus adaptés, d’identifier les faux positifs et faux négatifs et de faire une étude statistique des résultats obtenus dans une démarche de bonnes pratiques de laboratoire.Quand bien même les dosages ELISA sont une pratique courante en biochimie des protéines, les résultats de cette activité dans le contexte de l’opération de R&D décrite ici n’ont jamais été publiés ni présentés dans un brevet ou un COV (certificat d’obtention végétale).
L’activité d’analyse statistiqueL’activité s’inscrit dans le cadre d’une opération d’analyse de données répondant aux critères de la R&D par exemple les analyses statistiques pour un essai clinique de phase I à III.L’analyse statistique intègre par exemple la rédaction du plan d’analyse, la programmation et la production des analyses intermédiaires (permettant de moduler l’opération de recherche ou l’essai clinique en conséquence).Les analyses statistiques sont réalisées par un personnel qualifié.Il n’existe aucune étude accessible ou préalable sur le type d’analyse statistique dans le cadre de l’opération de R&D présentée.

En résumé, l’apport de cette nouvelle approche a pour mérite de définir un cadre à la qualification d’une activité comme étant « indispensable » à une opération de recherche.

Néanmoins, cette approche nécessitera un renforcement de la documentation pour justifier la prise en compte des dépenses liées à ces activités dans l’assiette du CIR selon ces quatre critères.

  • Lucille Chabanel

    Lucille intervient depuis plus de 14 ans au sein du département Fiscalité des Entreprises. Rattachée à la ligne de services…

  • Photo de Lionel Draghi

    Lionel Draghi

    Lionel Draghi, Associé et Ingénieur, exerce au sein du département R&D. Expert logiciel chez THALES, fort de plus de 15…

  • Marie Chabannes

    Marie est actuellement analyste au sein de l’équipe Global Investment & Innovation Incentives (GI3) chez Deloitte depuis septembre 2025.

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