Conditions et régularité de la procédure de demande d’assistance administrative internationale

Une récente décision de la CAA de Paris nous offre l’occasion de faire le point sur les conditions de mise en œuvre de la procédure de demande d’assistance administrative internationale.

L’histoire

Une société française a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des exercices 2010 et 2011. A cette occasion, l’Administration a constaté que la société avait déduit, en 2011, des sommes importantes, supposées correspondre au paiement de prestations de services dont elle aurait bénéficié et qui auraient été effectuées par une société située en Uruguay.

La réalité de ces prestations étant insuffisamment établie, l’Administration a demandé aux autorités uruguayennes, sur le fondement de l’accord relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale conclu avec l’Uruguay le 28 janvier 2010, de lui transmettre les renseignements dont elles disposaient, afin de déterminer si les services en cause avaient réellement été effectués et si le prestataire était capable de les fournir (nom des responsables et des actionnaires de la société uruguayenne, activité et moyens matériels et humains, etc.)

L’Administration n’étant pas convaincue par les éléments fournis par les autorités uruguayennes, elle a purement et simplement refusé la déduction des charges litigieuses sur le terrain de l’article 39, 1 du CGI.

La société française, devant le juge de l’impôt, a contesté les conditions et modalités de mise en œuvre de la procédure de demande d’assistance administrative.

La décision de la CAA

La CAA de Paris conclut à la régularité de la procédure, après avoir examiné les différents moyens invoqués par la requérante :

Sur la nécessité d’informer le contribuable

La CAA de Paris rappelle que l’Administration n’est tenue d’informer le contribuable de l’existence de la demande de renseignements que dans la mesure où elle entend se prévaloir de la prolongation de son délai de reprise, prévue en pareille hypothèse à l’article L. 188 A du LPF (voir également en ce sens BOI-CF-PGR-10-60-20190116 §360).

Tel n’était toutefois pas le cas en l’espèce, de sorte que l’Administration n’avait aucune obligation d’information à l’égard de la société.

Sur la date d’entrée en vigueur de la convention d’assistance administrative franco-uruguayenne

La convention d’assistance administrative a été conclue par la France et l’Uruguay le 28 janvier 2010, mais le décret portant publication de cet accord n’a été publié au JO que le 3 février 2011.

Aussi, la société requérante faisait-elle valoir qu’il ne pouvait s’appliquer au titre de l’année 2011.

La Cour relève toutefois que cet accord est entré en vigueur le 31 décembre 2010, ce dont fait expressément mention le décret du 3 février 2011 (nb : nous attirons votre attention sur le fait que les dates d’entrée en vigueur exactes de ce type de conventions sont toujours précisées à la toute fin des décrets de publication).

Sur la compétence de l’auteur de la demande d’assistance administrative internationale

La Cour relève que l’auteur de la demande était le sous-directeur du contrôle fiscal, exerçant la supervision du bureau de l’assistance administrative internationale et disposant d’une délégation de signature qui lui avait été délivrée par le directeur général des finances publiques, de sorte que sa compétence n’était pas contestable.

En revanche, la Cour indique qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la compétence de l’auteur de la réponse (les autorités fiscales uruguayennes).

Sur la pertinence des éléments retenus à l’appui de la demande

La CAA rappelle qu’il appartient au juge de l’impôt de vérifier que la demande d’assistance a été effectuée conformément aux stipulations de l’accord, lorsque celle-ci a permis de recueillir des informations utilisées pour établir l’imposition contestée devant lui.

Procédant à cette vérification, elle valide la régularité de la demande d’assistance, après avoir relevé que :

  • l’administration fiscale française avait produit la déclaration attestant qu’elle avait utilisé tous les moyens disponibles sur son territoire pour obtenir les renseignements, hormis ceux susceptibles de soulever des difficultés disproportionnées 
  • elle avait informé son homologue uruguayen du but fiscal dans lequel les renseignements étaient demandés ; et
  • les renseignements demandés étaient « vraisemblablement pertinents » au sens de l’accord franco-uruguayen.

Sur l’absence de nécessité d’engager un débat oral et contradictoire sur les renseignements obtenus dans ce cadre

La CAA de Paris juge par ailleurs que l’obligation d’engager un débat oral et contradictoire ne pèse pas sur les informations recueillies en réponse à la demande d’assistance administrative, dès lors que ces informations ne constituent pas des pièces comptables de la société (la Cour les qualifie de « documents de tiers »).

Sur la portée de l’obligation de communication de l’Administration

Pour mémoire, l’Administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition et de lui en communiquer une copie s’il en fait la demande (LPF, art. L. 76 B).

S’agissant de documents obtenus dans le cadre d’une procédure de demande d’assistance administrative, la Cour indique que :

  • lorsque l’Administration a pris des copies des documents détenus par un autre service, elle est tenue, en principe, de mettre l’intégralité de ces copies à la disposition du contribuable ;
  • en revanche, elle n’est pas tenue de délivrer au contribuable une version traduite de ces documents dans une langue que son conseil comprend.

On notera que la société s’est pourvue en cassation contre cette décision.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.