Article 57 et financement intragroupe par souscription d’OCA

La CAA de Versailles se prononce sur les modalités de détermination du taux de rémunération devant être appliqué dans l’hypothèse où une société finance sa filiale à 100 % par souscription d’OCA.

L’histoire

Une société française a souscrit, en 2009, à l’intégralité des obligations convertibles en actions (OCA) émises par sa filiale britannique, qu’elle détenait à 100 %.

Le coupon annuel de rémunération de ces OCA a été fixé à 1,085 %. Ce taux a été déterminé par la société française en partant du taux de pleine concurrence devant être appliqué à des obligations classiques – soit 4,41 % – puis en réduisant celui-ci à raison de la composante « conversion » de l’OCA.

Ces OCA avaient une maturité de 5 ans et pouvaient être converties en actions nouvelles à l’instigation du souscripteur à l’issue d’une période de blocage. La société française a opté pour la conversion de ces obligations et réalisé un gain conséquent.

Redressement et décision des juges de 1re instance

L’Administration a toutefois remis en cause le taux retenu par la société, considérant que la composante « conversion » était ici nulle, dès lors que la société française détenait à 100 % la société émettrice.

Elle a considéré, dès lors, que la société française aurait dû être imposée non pas sur les intérêts perçus au taux de 1,085 % mais sur ceux qu’elle aurait dû percevoir, à savoir ceux calculés sur la base du taux de 4,41%, et que la différence entre ces 2 montants était constitutive d’un transfert de bénéfice au sens des dispositions de l’article 57 du CGI.

Le TA de Montreuil a confirmé le redressement.

Il a considéré que, dès lors que la société française détenait sa filiale à 100 %, la conversion des obligations en nouvelles actions de sa filiale aurait pour effet immédiat de réduire la valeur des actions préexistantes, la société étant « à la fois le bénéficiaire et le financeur desdites options ».

Par ailleurs, il a jugé que le fait que la société française ait, en définitive, réalisé un important gain de conversion, ne pouvait être regardé comme la contrepartie du taux réduit accordé, puisqu’elle en était l’unique financeur.

Cette décision a été critiquée par certains auteurs, qui ont estimé qu’elle était en contradiction avec le principe de pleine concurrence, consistant, au contraire, à faire abstraction des liens existant entre les parties à une opération.

La décision de la CAA de Versailles

La CAA de Versailles censure l’analyse de l’Administration et des juges de 1re instance.

Elle juge ainsi que, du point de vue de la filiale britannique « comme pour toute société, l’émission d’OCA induit l’idée d’émettre dans l’avenir des actions à un prix inférieur à la valeur de marché et ce quel que soit le souscripteur ». Elle indique que, du point de la société française, « comme pour tout souscripteur qui aura attendu que le cours de l’action dépasse le prix de conversion fixé à l’émission, la conversion des OCA conduit à l’obtention d’actions à un prix plus avantageux que celui qu’il aurait payé sur le marché ».

Au cas d’espèce, il importe dès lors peu que l’exercice de cet avantage consenti à la société française ait eu pour contrepartie une perte de la valeur des actions préexistantes et n’ait pas conduit à un enrichissement économique global de la société. La Cour souligne, à cet égard, que la société avait, en pratique, la faculté de vendre à un tiers les OCA si elle le souhaitait – et que de tels projets de cession ont d’ailleurs été évoqués dans la presse économique.

En tout état de cause, elle considère, de manière claire, que la composante « conversion » ne doit pas être appréciée au regard de la seule circonstance que le souscripteur se trouve être l’actionnaire unique de l’émetteur.

Elle souligne, de surcroît, que la société française n’avait pas fait usage de la faculté de conversion de manière contraire à son intérêt – en témoigne l’important gain de conversion.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.