Lors de la construction ou de travaux portant sur un immeuble d’habitation appartenant à une personne physique, dont certains locaux à usage professionnel sont destinés à être donnés en location à la structure abritant l’activité professionnelle de cette dernière, se pose la question de la déduction de la TVA encourue au titre de ces travaux.
Tout l’enjeu, dans ce genre de situation, réside dans la démonstration de l’affectation desdits locaux à une activité locative soumise à la TVA sur option (seule cette dernière ouvrant un droit à déduction de la TVA grevant les travaux).
A cet égard, la CAA de Douai est récemment venue rappeler que, dans une telle situation, les informations reportées dans la demande de permis de construire pouvaient avoir un impact sur la validité de l’option TVA exercée par le bailleur (CAA Douai 14 septembre 2023, 22DA01014).
Dans cette affaire, le bailleur s’est vu remettre en cause la déduction de la TVA opérée, au titre d’une TVA déduite à tort, au motif que le permis de construire ne visait qu’un usage d’habitation, de sorte que l’option TVA prévue à l’article 260, 2° du CGI, pour les locaux nus à usage professionnel, ne lui était pas ouverte.
Après avoir rappelé que « la validité d’une option formulée par le propriétaire de locaux qu’il destine à la location n’est assurée et que, par suite, cette option ne peut emporter d’effets, qu’à compter de la date à laquelle sont souscrits, aux fins de location, immédiate ou future, de ces locaux, des engagements contractuels de nature à établir la conformité de l’opération aux prévisions du 2° de l’article 260 du code général des impôts, qui exclut notamment l’exercice de l’option si les locaux nus donnés en location sont destinés à l’habitation », la Cour a relevé que :
- malgré la préexistence d’un bail au jour de l’option, ni le permis de construire initial, ni les permis de construire modificatifs n’avaient fait état d’un quelconque usage de l’immeuble à des fins professionnelles
- par ailleurs, il n’était pas démontré, qu’à la date de l’option, une partie des locaux de l’immeuble était partiellement destiné à un usage locatif professionnel entrant dans le champ de la TVA. A cet égard, n’ont pas été regardés comme probants les éléments suivants :
- le fait que le bail ait été conclu avant l’exercice de l’option
- l’erreur alléguée de l’architecte dans la demande de permis de construire, une telle erreur n’étant pas démontrée
- la déclaration de taxe foncière sur les propriétés bâties mentionnant un usage mixte
- des attestations de tenue de réunions professionnelles au sein des locaux en cause
- in constat d’huissier faisant état de locaux pouvant être assimilés à des locaux à usage professionnel
- les procès-verbaux de réception des travaux
Cet arrêt, bien que d’espèce, fait application de principes antérieurement dégagés par le Conseil d’Etat (CE 13 janvier 2006, 253404 ; CE 4 mars 2009, 296470 ; CE 30 décembre 2011, 311081).
A noter que le Conseil d’Etat avait indiqué qu’une option ne pouvait être remise en cause sur le seul fondement des mentions du permis de construire et invitait à prendre en compte l’ensemble des circonstances permettant d’apprécier l’existence d’un projet d’activité économique dans les locaux (CE 30 décembre 2011, 311081). Au cas particulier, il nous semble que la Cour a suivi cette grille de lecture tout en écartant les éléments qui ne lui semblaient pas objectifs mais relevaient plus du déclaratif de la part du bailleur.
A noter également que la rédaction de la conclusion de la Cour fait naître un doute s’agissant du fondement servant à l’invalidation de l’option.
En effet, il est vrai que la Cour ne vise que l’article 260, 2° du CGI et semble mettre l’accent sur la démonstration de la nature des locaux au jour de l’option, cette dernière n’étant ouverte, sur la base de cet article, que pour les seuls locaux à usage professionnel. Toutefois, la conclusion à laquelle la Cour arrive, selon laquelle il n’était pas démontré, à la date de l’option, qu’une partie de l’immeuble était destinée à un usage locatif professionnel « entrant dans le champ d’application de la TVA », pourrait laisser penser que la qualité même d’assujetti à la TVA du bailleur pourrait être remise en cause, à l’image de la jurisprudence communautaire LENNARTZ (CJUE 11 juillet 1991, C-97/90).
Cette question n’est pas dénouée d’enjeux puisque dans un cas, seuls des reversements d’une partie de la TVA initialement déduite seront exigés (pour la période précédant la date reconnue de validité de l’option, la déduction demeurant acquise pour la période postérieure), alors que dans l’autre cas, toute récupération de TVA sera définitivement bloquée (Art 207, III-4-2°-b de l’annexe II au CGI).
A cet égard, il est intéressant de noter que, pour des faits semblables, et s’agissant d’une option exercée plus de 5 ans avant la conclusion d’un bail portant sur la totalité de l’immeuble, la même Cour avait reconnu la validité de l’option et accepté que cette dernière produise ses effets à la date de conclusion du bail, et ce au vu des circonstances suivantes : bail précisant le type d’exploitation prévue, factures de loyers établies conformément au bail, paiement desdites factures et existence d’un permis de construire modificatif prévoyant la réalisation de locaux à usage professionnel (CAA Douai 13 décembre 2012, 12DA00077).
Cela étant, et même si la demande de permis de construire n’est pas un élément décisif à lui seul, nous invitons à la plus grande prudence s’agissant des mentions portées dans cette dernière.
Nos spécialistes se tiennent bien évidemment à votre disposition sur ce sujet.