La directive (UE) 2023/2225 du 18 octobre 2023 relative aux contrats de crédit aux consommateurs (la « Directive ») a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 30 octobre 2023. Elle abroge l’ancienne directive 2008/48/CE, objet d’un certain nombre de critiques en raison d’une rédaction imprécise ayant empêché sa transposition harmonisée dans le droit des États membres, et qui, de surcroît, ne tenait pas compte de l’apparition de nouveaux produits et acteurs du crédit à la consommation.
La Directive poursuit donc un double objectif : d’une part, permettre l’expansion d’un marché du crédit aux consommateurs intra-européen dans des conditions optimales de protection des consommateurs et, d’autre part, adapter le dispositif légal aux nouvelles formes de crédit apparues depuis quelques années en soumettant leurs fournisseurs à de nouvelles obligations.
Rappel du contexte de l’adoption de la Directive
La Commission européenne avait rendu publique en juillet 2021 sa proposition de révision de la directive 2008/48/CE. Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen étaient ensuite parvenus à un accord provisoire sur la directive révisée en décembre 2022, pour une adoption par le Conseil de l’Union européenne le 9 octobre 2023. Cette initiative de révision découlait de la nécessité de modifier la directive de 2008, déjà ancienne au regard des évolutions croissantes du secteur du crédit aux consommateurs.
La directive de 2008 présentait en effet plusieurs inconvénients dus à sa rédaction et, en particulier, avait conduit certains États membres à adopter des dispositions nationales allant au-delà du cadre réglementaire initial, conduisant à un manque d’harmonisation du marché du crédit européen. Par ailleurs, la directive de 2008 se trouvait confrontée à d’importantes évolutions numériques, commerciales et de consommation. L’une des évolutions majeures a été le développement rapide des modalités de paiement différé et fractionné proposées par de nouveaux acteurs – notamment des FinTechs – régulés ou non, et de l’appétence accrue des consommateurs européens pour ces crédits immédiatement octroyés et assortis de modalités de paiement fractionné ou différé.
Un champ d’application renouvelé
La Directive s’applique aux contrats de crédit, dont elle donne une nouvelle définition (au 3) de l’article 3), conclus entre un prêteur (s’entendant d’une personne physique ou morale consentant des crédits dans le cadre de son activité professionnelle) et un consommateur. La Directive conserve la définition du consommateur qui était issue de la directive de 2008, soit une personne physique qui agit dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle.
Si la Directive intègre, avec cette nouvelle définition des contrats de crédit, ceux consentis sous forme de paiement différé, elle ne vise toutefois pas tous les types de paiements différés, certains étant expressément exclus (voir la liste infra). En outre, la notion n’est pas définie.
L’article 2, champ d’application, indique que les dispositions de la Directive s’appliquent, notamment :
- aux contrats de crédit dont le montant total est inférieur ou égal à 100 000 € (y compris les contrats de crédit d’un montant inférieur à 200 € et les contrats de crédit octroyés sans intérêts et sans autres frais, auparavant exclus)
- de façon partielle, aux contrats de crédit sous forme de dépassement (voir 3, 19) de la Directive)
- aux facilités de paiement différé, dès lors, entre autres conditions, qu’un tiers octroie ce paiement différé et non le fournisseur de biens ou de services contractant avec le consommateur : les modalités de paiement de type « Achetez maintenant, payez plus tard », souvent octroyées à un consommateur par un prêteur par l’intermédiaire d’un prestataire mettant à disposition un outil financier numérique permettant ce paiement fractionné sans frais, ni intérêts entrent donc dans le champ d’application de la Directive.
Des obligations nouvelles et des précisions utiles
Dans le prolongement de la volonté du législateur européen d’accroître la protection des consommateurs dans le cadre de la conclusion de crédits, la Directive étend ses obligations aux nouveaux acteurs du crédit en qualité de prêteurs ou d’intermédiaires de crédit (par exemple, l’obligation d’évaluation de la solvabilité des consommateurs). Elle introduit également de nouvelles obligations à l’ensemble des prêteurs, afin, d’une part, de permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés, et, d’autre part, d’éliminer certaines pratiques abusives.
Parmi les principales dispositions nouvellement introduites par la Directive, ou venant préciser des dispositions déjà existantes dans la directive de 2008, on relève celles concernant :
- les informations précontractuelles (chapitre II) : la Directive pose des exigences repensées envers les prêteurs en ce qui concerne les mentions à faire figurer dans toute communication à caractère commercial ou publicitaire afin, notamment, d’avertir les consommateurs sur l’engagement résultant d’un crédit
- les ventes liées (au 15) de l’article 3) et les ventes groupées (au 16) de l’article 3), le consentement présupposé, les services de conseil et l’octroi non sollicité d’un crédit (chapitre III) :
- la Directive pose le principe de l’interdiction par les États membres de la vente liée, et de l’autorisation de la vente
- la Directive vise également à encadrer la fourniture de services de conseil par les prêteurs en imposant à ces derniers des mesures d’information du consommateur préalablement à leur fourniture
- le TAEG et les mesures visant à limiter les taux et les coûts des crédits (chapitre IX) : la Directive impose aux États membres de prendre des mesures préventives des abus, dont notamment l’instauration de plafonds légaux afin d’éviter des TAEG ou des coûts totaux de crédits excessivement élevés pour les consommateurs
- les règles de conduite applicables au personnel des prêteurs et des intermédiaires de crédit (chapitre X) : la Directive pose l’obligation pour le personnel concerné d’agir de façon honnête, loyale, transparente et de tenir compte des droits et intérêts des consommateurs dans l’exercice de leurs activités (notamment pour l’élaboration de produits de crédits et l’octroi de crédits), et soumet à une obligation de connaissances et de compétence professionnelles le personnel
- l’éducation financière et le soutien aux consommateurs en difficulté financière (chapitre XI) :
- le législateur européen impose aux prêteurs d’appliquer, lorsque cela est pertinent, des mesures de renégociation (refinancement total ou partiel du crédit, modification des clauses du contrat de crédit afin de l’aménager au bénéfice du consommateur – réduction du taux débiteur, allongement de la durée du crédit, etc.) raisonnables avant l’ouverture d’une procédure d’exécution
- les prêteurs auront désormais l’obligation d’orienter les consommateurs éprouvant des difficultés à respecter leurs engagements financiers vers des services de conseil aux personnes endettées
- les obligations d’enregistrement et d’admission des prêteurs (chapitre XII) : la Directive impose aux États membres de soumettre les prêteurs (autres que des établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique dûment agréés) et intermédiaires de crédit à une procédure d’admission adéquate, à un enregistrement et une surveillance par une autorité indépendante compétente. Cette évolution a des répercussions conséquentes sur certains professionnels qui, jusqu’alors, pouvaient notamment librement octroyer des facilités de paiement différé ou fractionné via des solutions technologiques : désormais, ces mêmes professionnels devront se faire admettre et enregistrer afin de poursuivre leurs activités.
Des exclusions précises à bien appréhender
En dépit de la volonté affirmée du législateur européen de s’adapter aux nouvelles modalités d’octroi de crédit, la Directive continue d’exclure de son champ d’application plusieurs formes de crédit. Celles-ci n’entrent donc pas dans sa définition d’un « contrat de crédit ».
Ces exclusions sont listées à l’article 2.2 de la Directive. Sont notamment exclus de son champ d’application et des obligations en découlant :
- les contrats de crédit garantis par une hypothèque (ou toute sûreté immobilière équivalente en droit étranger)
- les contrats de crédit dont le montant total est supérieur à 100.000 € (sauf s’ils sont destinés à permettre la rénovation d’un bien immobilier à usage résidentiel, auquel cas ces contrats de crédit sont soumis aux dispositions de la Directive)
- les contrats de location ou de crédit-bail où l’obligation ou l’option d’achat de l’objet du contrat n’est pas prévue dans le contrat ou dans un contrat séparé
- les opérations de paiement différé par lesquelles un fournisseur de biens ou de services accorde au consommateur un délai de paiement, sous réserve du respect de trois conditions cumulatives : (i) l’opération n’implique pas l’intervention d’un tiers qui octroie un crédit, (ii) le prix d’achat du bien ou du service concerné doit être payé sans frais ou intérêts, et (iii) le paiement doit être entièrement exécuté dans un délai de 50 jours à compter de la fourniture du bien ou du service
Il conviendra donc que les fournisseurs de crédit revoient leurs offres de crédits et mettent en place un dispositif additionnel de protection des consommateurs conforme à la Directive, pour les crédits qualifiés de « contrats de crédit » au sens de celle-ci.
Des premiers impacts à anticiper
La date de prise d’effet de la Directive est fixée au 19 novembre 2023, soit le vingtième jour suivant sa publication au JOUE. Les États membres européens devront avoir transposé ses dispositions en droit national au plus tard le 20 novembre 2025, le nouveau régime devenant applicable le 20 novembre 2026. Il est prévu que la directive de 2008 sera abrogée avec effet au 20 novembre 2026, mais que ses dispositions resteront applicables aux contrats de crédit en cours à cette date jusqu’à leur fin. Toutefois, certains articles de la Directive auront vocation à s’appliquer à tous les contrats de crédit à durée indéterminée en cours au 20 novembre 2026 (articles 47 et 48 de la Directive).
Ainsi, les nouveaux acteurs du crédit de l’Union européenne devront prêter une attention particulière aux futures transpositions de la Directive dans le droit des États membres, et anticiper les impacts en termes de mise en conformité qui pourraient leur incomber au regard de l’intégration de nouvelles modalités d’octroi de crédit dans la définition de contrats de crédit au sens de la Directive.
Les prêteurs et intermédiaires de crédit visés devront, en particulier, tenir compte en amont des exigences d’admission et d’enregistrement posées par la Directive et des mesures d’information des consommateurs à faire figurer dans le cadre de l’octroi de crédits, tant au stade des communications publicitaires que durant la vie du crédit.
En permettant la mise en place d’un cadre juridique du crédit aux consommateurs plus transparent, la Directive vise ainsi à renforcer la confiance des consommateurs face aux fournisseurs de crédit, et à accompagner l’ouverture, toujours croissante grâce aux évolutions du numérique, du marché intra-européen du crédit.