La Commission Européenne a présenté le 22 novembre 2016 une proposition de directive visant à harmoniser les droits nationaux des 28 Etats Membres en matière d’insolvabilité.
Cette idée ambitieuse d’harmonisation a germé en 2011 suite aux constats suivants :
- 50% des entreprises survivent moins de 5 ans entrainant 200.000 faillites annuelles (dont 25% avec des effets transfrontaliers) et 1.700.000 destructions d’emplois
- Il existe une grande divergence entre les 28 droits nationaux ce qui constitue un obstacle majeur à la libre circulation des capitaux mais globalement on déplore une grande imprévisibilité et inefficacité des procédures collectives
- Les taux de recouvrement des créances varient entre 30% à 90% selon les Etats Membres
- Le marché du crédit en Europe est impacté par un volume important de prêts sous-performant
Une harmonisation améliorerait la prévisibilité que recherchent les investisseurs et encouragerait le sauvetage précoce des entreprises viables et donc l’emploi.
La Commission souhaite promouvoir une « nouvelle approche » en matière d’insolvabilité et même une véritable « culture du sauvetage ».
Pour cela, elle mise sur le bon sens et la flexibilité. Elle n’a pas pour ambition d’harmoniser les aspects fondamentaux de l’insolvabilité (conditions d’ouverture des procédures, définition de l’insolvabilité ou rang des créances) : ce chantier serait trop complexe compte tenu des divergences nationales importantes et des interconnections avec les autres branches du droit.
Elle préfère définir des principes et une série de mesures ciblées et réalistes autour de 3 thèmes :
- Promouvoir les outils de restructuration précoce des entreprises viables pour les aider à poursuivre leur activité et à préserver l’emploi (les entreprises non viables devant être liquidées) et ce au travers :
- D’outils d’alerte précoce détectant les difficultés
- De procédures de prévention permettant la restructuration et évitant l’insolvabilité articulées autour de principes simples :
- Le débiteur doit rester aux commandes
- Pour faciliter les négociations et conférer plus de prévisibilité aux créanciers, la suspension des poursuites doit être limitée à 4 mois renouvelable 2 fois selon des conditions strictes
- Le plan de restructuration doit être très encadré : contenu, modalités d’adoption par les créanciers regroupés en classes de créanciers et de validation par une juridiction, possibilité d’imposer ce plan à une ou plusieurs classes de créanciers dissidents ainsi qu’aux actionnaires réfractaires, modalités d’évaluation de la valeur de l’entreprise, effet obligatoire du plan et voies de recours
- De la protection absolue en cas de faillite subséquente du New Money et des transactions prévus au plan (droit de priorité, suppression du risque de nullité ou de responsabilité)
- De contraintes fortes sur le dirigeant pour qu’il prenne les mesures qui s’imposent en cas de probabilité d’insolvabilité de façon à protéger l’entreprise et son environnement (créanciers, salariés, actionnaires, partenaires)
- La seconde chance des entrepreneurs « honnêtes » en vue d’un rebond (création estimée de 3 millions d’emplois) articulée autour de :
- La libération totale du poids de la dette dans un délai maximum de 3 ans et la limitation des mesures d’interdiction de gérer à cette même durée (sauf si l’intérêt général exige des atténuations)
- Le Traitement coordonné des dettes professionnelles et personnelles
- L’amélioration de l’efficacité des procédures collectives par :
- La formation et la spécialisation des juges
- La formation des praticiens de l’insolvabilité soumis à un code de conduite, à des contrôles, à un processus de désignation prévisible avec consultation du débiteur et des créanciers, à un régime de sanction approprié et à un système de rémunération au mérite. En cas de procédure transfrontalière, leur capacité à communiquer et à coopérer avec leurs collègues étrangers et leurs ressources doivent être prises en compte pour justifier de leur désignation
- L’optimisation des moyens de communication électroniques (déclarations des créances, dépôts des plans, notifications aux créanciers, votes et voies de recours)
- Un outil national de statistiques avec un rapport annuel à la Commission
Les Etats Membres auraient 2 ans pour appliquer cette directive qui prévoit une grande flexibilité et évite l’écueil de l’interférence de la Commission dans les droits nationaux qui fonctionnent avec un premier contrôle de la Commission dans 5 ans puis tous les 7 ans.
Avec ses réformes récentes, la France est déjà à la pointe de l’innovation dans la prévention et la seconde chance. Cette directive nécessiterait toutefois les ajustements suivants :
- La suppression de l’implication systématique des tribunaux ou des mandataires de justice
- La réduction de la durée maximale de la période d’observation de 18 à 12 mois
- La séparation des créanciers privilégiés et chirographaires en 2 classes distinctes pour que des droits similaires soient traités équitablement et que les plans de sauvegarde ne portent pas injustement atteinte aux droits des parties concernées
- L’intégration du « cross-class cram-down » (suppression de l’accord unanime de tous les comités de créanciers) pour écarter les créanciers réfractaires
- La systématisation d’une évaluation de l’entreprise pour une meilleure protection des créanciers