Ancien dispositif « anti-hybride » de l’article 212, I-b du CGI : Preuve de l’imposition minimale du prêteur

La CAA de Paris apporte des précisions sur les conditions d’appréciation de l’assujettissement de la société prêteuse à une imposition minimale pour l’application de l’ancien dispositif dit « anti-hybride » de l’article 212, I-b du CGI, ainsi que sur les modalités de preuve du caractère normal du taux pratiqué sur des prêts consentis par une société liée.

Rappel

Le b du I de l’article 212 du CGI, applicable aux exercices ouverts avant le 1er janvier 2020, subordonnait la déductibilité des intérêts afférents à des sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise par une entreprise liée au sens de l’article 39, 12 du CGI, à la condition que l’entreprise liée soit, au titre de l’exercice concerné, assujettie à raison de ces mêmes intérêts à un impôt sur le résultat dont le montant était au moins égal à 25 % de l’impôt français sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun.

Pour l’entreprise créancière résidente à l’étranger, ce taux s’entendait de celui dont elle aurait été redevable en France sur les intérêts perçus si elle y avait été établie.

La charge de la preuve pesait sur l’entreprise française débitrice qui devait démontrer que les intérêts versés faisaient l’objet au sein de l’entreprise créancière de l’imposition minimale requise par la loi (BOI-IS-BASE-35-30-20190904 § 110).

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, la LF 2020 a instauré un nouveau dispositif de lutte contre les dispositifs hybrides susceptibles de produire des effets fiscaux asymétriques (CGI, art. 205 B, 205 C et 205 D). Le dispositif de l’article 212, I-b a été supprimé à cette occasion (LF 2020, n°2019-1479 du 28 décembre 2019, art. 45).

L’histoire

Une société française exerçant une activité de location et de promotion immobilière a souscrit, en octobre 2008, un prêt auprès de son actionnaire unique, une société luxembourgeoise, avec une échéance en avril 2014 et un taux d’intérêt basé sur le taux moyen annuel euribor 12 mois + 2 points.

Un 1er avenant est ensuite venu modifier la date d’échéance pour la porter au 31 juillet 2020, tandis qu’un 2e a ensuite ramené l’échéance au 30 avril 2020 et a modifié les conditions de rémunération, se référant au taux fixe annuel de 7 % applicable à compter du 1er janvier 2012.

A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2013 et 2014, l’Administration a rejeté la déductibilité des intérêts d’emprunt sur la base d’un double motif, la société française n’étant en capacité de justifier :

  • Ni de ce que les intérêts auraient été soumis, entre les mains de la prêteuse luxembourgeoise, à une imposition au moins égale à 25 % de l’impôt français (soit un minimum requis de 8,33 % pour les années en cause) ;
  • Ni de la normalité du taux d’intérêt de 7 % appliqué.

La décision de la CAA de Paris

Sur la (non) application de l’ancien dispositif anti-hybride

La CAA de Paris rappelle, à titre liminaire, que l’ancien dispositif « anti-hybride » n’est pas susceptible de rendre non déductibles les charges financières du seul fait que l’entreprise créancière ait un résultat nul ou déficitaire (voir aussi BOI-IS-BASE-35-30-20190904 § 70).

Au cas d’espèce, la société française faisait valoir que le taux de l’impôt sur le revenu des collectivités au Luxembourg (qui est assimilable à l’IS) s’élevait, en 2013 et 2014 à 20 %, lorsque le revenu imposable était inférieur à 15 000 € et à 21 % lorsque le revenu imposable était supérieur à 15 000 €.

Elle a produit une attestation de résidence fiscale établie par l’administration fiscale luxembourgeoise, certifiant que la société prêteuse était résidente au Luxembourg et qu’elle y était assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée, à l’impôt sur le revenu des collectivités, ainsi qu’une attestation de son commissaire aux comptes qui rappelle le taux applicable et précise qu’aucune exonération fiscale ni abattement n’a été appliqué.

La société française a également produit à l’instance les déclarations fiscales de la société prêteuse, faisant apparaître que les intérêts litigieux ont bien contribué à la formation de son résultat comptable, et que si son imposition finale était inexistante, cela tenait à ce que la société était elle-même déficitaire.

La Cour écarte par conséquent l’application de l’ancien dispositif anti-hybride, avant de passer à l’examen du caractère normal du taux pratiqué en l’espèce.

Sur le taux d’intérêt limite

Rappelons qu’une société peut déduire les intérêts relatifs à des sommes mises à sa disposition par une entreprise liée dans la limite du taux fixé par le 3° du 1 de l’article 39 du CGI pour la déduction des intérêts des avances consenties par ses associés. Il peut toutefois être substitué à ce taux limite celui que l’entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements financiers indépendants dans des conditions analogues, s’il est supérieur (CGI, art. 212, I-a).

Au cas d’espèce, la société française n’apportait aucun élément de nature à expliquer le choix d’aggraver le taux de l’emprunt (pour le porter de 3,497 % – proche du taux de référence) à 7 %.

La Cour confirme dès lors le redressement sur ce point.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.