Le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence antérieure dans l’hypothèse où la société rend des services soumis à la TVA à ses filiales et peut exercer un droit à déduction sur les frais généraux qu’elle supporte.
Les entreprises non assujetties à la TVA (ou non assujetties sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires) sont redevables d’une taxe sur les salaires qu’elles versent (CGI, art. 231). L’assiette de cette taxe est déterminée par un ratio (« rapport d’assujettissement »). Au numérateur de ce ratio, on retient le chiffres d’affaires non passible de la TVA (« total des recettes et autres produits qui n’ont pas ouvert droit à déduction de la TVA »), et au dénominateur, le chiffre d’affaires total de la même année.
Le Conseil d’Etat a jugé, il y a plusieurs années déjà, que les dividendes servis à une société par ses filiales du seul fait de sa qualité d’actionnaire devaient figurer au numérateur de ce rapport d’assujettissement, dès lors qu’ils n’entraient pas dans le champ d’application de la TVA et ne pouvaient ouvrir droit à déduction (29 juin 2001, n° 176105, SA Banque Sudameris).
Entretemps, la CJUE a toutefois jugé que la TVA grevant les frais généraux des holdings qui s’immiscent dans la gestion de leurs filiales était intégralement déductible (16 juillet 2015, aff. C-108/14 et C-109/14, Larentia et Marenave), peu après suivie par le Conseil d’Etat (20 mai 2016, n° 371940, Sté Ginger).
Une société holding animatrice a tenté de tirer argument de ces décisions pour soutenir que les dividendes perçus de sa filiale ne devaient pas figurer au numérateur du rapport servant à déterminer sa base d’assujettissement à la taxe sur les salaires. Les juges du fond lui ont donné raison, considérant que dès lors que la requérante avait un droit à déduction sur l’ensemble de ses dépenses, les dividendes servis par sa filiale devaient être regardés comme la contrepartie d’une activité économique, entrant dans le champ d’application de la TVA et donc exclus du numérateur du rapport d’assujettissement (CAA Douai, 28 février 2017, n° 15DA00594).
Mais, le Conseil d’Etat ne partage pas cette analyse et confirme sa jurisprudence antérieure.
Il rappelle, en premier lieu que la LFR 1993, à l’origine des dispositions en cause, a eu pour objet de dissocier le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires du rapport (ou « prorata ») de TVA. Se référant ensuite à la jurisprudence de la CJUE, il juge que la perception de dividendes, n’étant pas la contrepartie d’une activité économique, n’entre pas, elle-même, dans le champ d’application de la TVA, et ce, même dans l’hypothèse où la société holding qui perçoit les dividendes s’immisce dans la gestion de ses filiales en leur fournissant des prestations de services soumises à cette taxe. Dès lors, ces dividendes doivent, pour la détermination de l’assiette de la taxe sur les salaires, être compris au numérateur du rapport d’assujettissement.
L’avis du praticien : Marie Manuelli
Cette décision met fin à toute polémique et s’inscrit dans la logique de la taxe sur les salaires telle que précisée dans la jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat.