Sénégal : nouveautés fiscales et juridiques de l’année 2022

Nos experts vous proposent un panorama des actualités fiscales et juridiques au Sénégal. Ce rendez-vous régulier vous proposera différents points d’attention et de vigilance à garder à l’esprit, ainsi qu’un détail des nouveautés législatives mises en place récemment.

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Les nouveautés fiscales de l’année 2022

Déductibilité de la TVA pour compte dans le cadre des prestations rendues par un prestataire étranger à une entité locale

Désormais, la TVA pour compte est déductible au Sénégal lorsque la prestation de service :

  • implique par nature un transfert de savoir-faire ou qu’elle entre dans les exceptions prévues par la loi.
  • est soumise à un impôt sur le revenu au Sénégal par le mécanisme de retenue à la source.
  • est supportée par un contrat ou un acte écrit.

La Loi de Finances pour l’année 2021 a consacré le principe de non-déductibilité de la TVA sur les prestations de services lorsque le bénéficiaire de la rémunération n’est pas établi au Sénégal, sauf si lesdites prestations comportent un transfert de savoir-faire.

Point d’attention : avec ce nouveau dispositif, la condition relative à l’assujettissement du prestataire étranger à l’impôt au Sénégal ne suffit plus pour permettre la déductibilité de la TVA pour compte. La prestation doit de plus être assimilable à un transfert de savoir-faire ou comprise dans les exceptions.

Les services d’assistance technique (dont les prestations de direction, de management, d’études, de gestion ou d’assistances administrative, juridique ou comptable) rendus au Sénégal par des prestataires ne peuvent donner lieu à une déduction de la TVA pour compte supportée par la société bénéficiaire locale.

Prix de transfert : les nouvelles exigences en matière de documentation ou local file

Le dispositif de contrôle en matière de prix de transfert a été renforcé par la Loi de Finances de 2018. Le texte introduit l’obligation d’une déclaration simplifiée sur les prix de transfert. Il introduit également l’obligation de tenir à disposition de l’Administration une documentation « prix de transfert » permettant de justifier la politique des prix pratiqués dans les transactions intragroupes.

Risque fiscal

Le défaut de production d’une documentation prix de transfert dans le délai de 20 jours après une mise en demeure du service des impôts restée sans effet entraîne l’application d’une amende correspondant à 0,5 % du montant des transactions non-documentées, par exercice.

Le défaut de dépôt de la déclaration annuelle des prix de transfert pour l’exercice précédent entraîne l’application d’une amende de 10 millions de FCFA (15 k€). Pour rappel, le dépôt est à remettre au plus tard le 30 avril de chaque année.

Restitution de la TVA pour des marchés comportant le régime des chèques DDI

Le régime des chèques DDI (chèques émis par la Direction de la Dette et de l’Investissement), est un mécanisme utilisé par l’Etat, afin de ne pas décaisser la TVA lors de marchés de services publics exécutés par une société (ayant un financement extérieur).

Lorsque la TVA est liquidée par le biais de chèques DDI, l’attributaire du marché ne collecte pas la TVA de façon matérielle et supporte en aval une TVA sur les prestations de services et les livraisons de biens dont il bénéficie.

Cette situation génère un crédit de TVA dont le caractère est restituable et n’est pas expressément consacré dans le CGI.

Point d’attention

Les factures ne devaient être déclarées comme chiffre d’affaires à la TVA qu’après réception des chèques DDI correspondants par l’attributaire de marché. De ce fait, au niveau de la déclaration, une fois le chèque DDI réceptionné, la TVA théorique « collectée », applicable au chiffre d’affaires, s’annule avec le montant dudit chèque DDI qui y est renseigné.

À éviter

Nous invitons les entreprises à éviter de déclarer un chiffre d’affaires à la TVA sans réception du chèque DDI.

Cette situation pourrait entraîner pour la société un préjudice financier dans la mesure où il peut subsister une TVA à reverser à l’Administration (alors qu’en réalité, il n’y a jamais eu de TVA collectée). Sinon, il faut supprimer le potentiel crédit de TVA devant revenir à la société.

Entrée en vigueur de l’Instrument Multilatéral (« MLI »)

Le MLI est entré en vigueur au Sénégal le 1er septembre 2022. La majeure partie des conventions fiscales dont le Sénégal est parti, notamment celle signée avec la France, sont couvertes par le MLI.

Rehaussement du taux plafond de l’Impôt sur les Revenus des Personnes Physiques (« IRPP »)

Le taux plafond de l’IRPP passe de 40 % à 43 % pour toute quotité de revenu imposable supérieure à 50 000 000 FCFA (76 k€).

Obligation déclarative

Les bénéficiaires effectifs des sociétés doivent également être déclarés à l’administration fiscale.

Les contrôles fiscaux

Rejet de la déductibilité des sommes versées par une succursale sénégalaise à son siège étranger

A l’exception des remboursements de frais dûment justifiés, les sommes versées par la succursale sénégalaise à son siège, ou à l’un de ses bureaux, à titre de redevances, d’honoraires, ou d’autres paiements similaires, pour l’usage de brevets ou d’autres droits, ou comme des commissions pour des services précis, ne sont pas admises en déduction au titre de l’impôt sur les sociétés.

Pratique fiscale

En pratique, ce point a fait l’objet d’un contrôle fiscal récent qui opposait l’Administration et une succursale d’une société française en 2020.

Il existe une approche radicale de la règle pour les cas où il n’existe pas de convention fiscale de non-double imposition. Cependant, dans l’hypothèse de l’existence d’une convention fiscale, la position de l’administration fiscale est plus circonstancielle et peut être moins sévère.

Allocation de revenus dans les marchés extraterritoriaux et qualification d’établissement stable dans le cas de l’inexistence d’une convention fiscale

En vertu du principe de territorialité, les bénéfices provenant d’entreprises exploitées au Sénégal sont réputés être réalisés dans le pays. L’administration fiscale remet cependant de plus en plus en cause les contrats comportant une allocation de revenus entre une part exécutée localement et une part exécutée offshore notamment les contrats EPC (Engineering, Procurement & Construction).

Pratique fiscale

  • En l’absence de convention fiscale, l’Administration a tendance à assigner l’ensemble des revenus liés aux marchés importants exécutés par un groupe multinational, ayant généralement une présence locale au Sénégal, nonobstant les parties du contrat réalisées offshore.
  • L’Administration a également tendance, en l’absence de convention fiscale, à conclure à la création d’un établissement pour les parties offshores et « procurement » du marché.

Recommandation  

Il est primordial de veiller en amont à la rédaction minutieuse des contrats de marchés.

Rejet de la déductibilité de certaines charges à l’impôt sur les sociétés pour défaut ou insuffisance de justification

Toutes les charges engagées par l’entreprise doivent être effectives et être appuyées de justifications suffisantes.

Pratique fiscale

L’administration fiscale utilise cette règle pour exiger des preuves attestant de la réalité et de l’utilité de certaines prestations, notamment celles rendues par des sociétés du groupe domiciliées à l’étranger. C’est le cas en général des prestations d’assistance technique.

Le contribuable doit, dès lors, apporter la preuve d’une part que lesdites prestations sont utiles pour son activité et ne font pas doublon avec des postes qui exerceraient la même fonction en local et d’autre part, que les services rendus sont effectifs en produisant les rapports d’activités, les billets d’avions, les contrats etc.

Taxation des travaux en cours et problématique de reconnaissance de produits par exercice pour les entreprises du BTP et celles attributaires de marchés publics à exécution successive

Le paiement des factures émises par les sociétés évoluant dans le BTP ou exécutant des marchés à exécution successive relatif à une tranche des travaux faite est tributaire de la validation de ladite tranche par le maître d’ouvrage.

Lorsqu’une partie des travaux est invalidée, la facture n’est pas totalement réglée, ce qui peut entrainer un écart entre le chiffre d’affaires comptabilisé et les factures émises.

Pratique fiscale

L’administration fiscale exige le paiement de l’impôt sur les sociétés sur les travaux en cours enregistrés par exercice, même si ces derniers n’ont pas encore été réceptionnés. Une comparaison peut être effectuée entre les factures émises par exercice et liées à une tranche des travaux et le chiffre d’affaires comptabilisé. L’impôt sur les sociétés est là aussi réclamé sur la différence.

Recommandation

Il faut s’assurer d’émettre des factures d’avoir ou annuler et reprendre les factures misent en cause et disposer de l’ensemble des documents justifiant la partie invalidée des travaux.

Remise en cause des clients exonérés en matière de TVA

L’administration fiscale a tendance à contester l’exonération à la TVA dont bénéficieraient certains clients d’un contribuable et de lui réclamer en conséquence la TVA sur une partie de son chiffre d’affaires exonéré a priori.

Pratique fiscale

Il arrive qu’un contribuable possède un seul ou plusieurs clients exonérés de TVA soit en raison de l’activité du client, soit sur le fondement d’un titre d’exonération qui a été conféré par l’Etat à ce client.

Sur le fond, l’Administration réclame systématiquement la TVA au contribuable si ce dernier ne produit pas les documents justifiant l’exonération de ses clients.

Sur la forme, elle remet également en cause l’exonération dès lors que les factures adressées aux dits clients ne sont pas visées en exonération de TVA conformément à la règlementation.

Recommandation

Il est important de rassembler tous les éléments justifiant et confirmant une exonération de TVA (titre d’exonération, factures visées dans les délais) en amont d’un contrôle.

Réclamation de la TVA versée pour non-application du précompte à certaines entreprises

Pratique fiscale 

Pour les entreprises évoluant dans le domaine du BTP et pour les concessionnaires ou exploitants de services publics, l’administration fiscale vérifie systématiquement si le précompte a été appliqué à certains prestataires ou fournisseurs ne relevant pas des directions des grandes et des moyennes entreprises.

L’administration fiscale réclame ainsi la TVA si le précompte n’a pas été appliqué. Cette situation conduit au doublement du paiement de la TVA pour le contribuable.

L’application de la TVA pour compte sur des avances de sommes d’argent sans intérêts effectuées par la maison mère ou une société du groupe au profit d’une filiale/succursale sénégalaise

Dans le cadre des transactions intragroupes transfrontalières, la TVA s’applique sur la valeur de la prestation déterminée, en fonction du prix normal de vente d’une prestation similaire.

Pratique fiscale

En cas de contrôle, l’Administration utilise la disposition susvisée pour réclamer la TVA pour compte sur les avances de fonds ou prêts sans intérêts consentis par la maison mère ou une société du groupe domiciliée à l’étranger, à une succursale/filiale locale.

Elle estime en effet qu’une telle transaction générerait un profit pour le prêteur et une charge taxable à la TVA pour l’emprunteur dans le cadre de transactions entre parties indépendantes.

Elle applique donc la TVA au taux de 18 % sur un montant d’intérêts estimé.

La problématique de l’application de la « branch tax » (retenue d’impôt sur les revenus de valeurs mobilières (« IRVM »)) aux dividendes présumés distribués par les succursales sénégalaises dont le siège est établi en France

Les bénéfices réalisés par les sociétés étrangères au Sénégal, par l’intermédiaire d’une succursale, sont réputés distribués lorsque ces derniers ne sont pas réinvestis dans le pays. Dès lors, ils sont soumis à l’IRVM au Sénégal au taux de 10 %.

Cette règle s’applique cependant sous réserve de l’existence de dispositions conventionnelles.

Pratique fiscale

Dans le cadre d’un contrôle, l’Administration a tendance à réclamer systématiquement la « branch tax » aux succursales sénégalaises sans forcément se référer au dispositif conventionnel.

  • Cependant, dans le cadre de la convention franco-sénégalaise, au regard des dispositions de l’article 13.7, cette retenue est applicable aux succursales dont le siège est français, seulement s’il est établi que ce dernier a procédé à une distribution effective de dividendes. En d’autres termes, en cas de contrôle portant sur ce point, il faudra apporter la preuve que la maison mère n’a pas eu à procéder à une distribution effective afin de se soustraire à l’application de ladite retenue.

La pratique montre que l’Administration a déjà accepté de ne pas appliquer la retenue en raison des preuves apportées sur l’absence de distributions effectives par le siège français.

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