La CAA de Paris confirme l’application aux trusts, au plan des principes, du mécanisme anti-abus de l’article 123 bis du CGI, avant d’en faire une application positive (régime pré-LF 2022).
Eléments de contexte
Le mécanisme anti-abus de l’article 123 bis du CGI
L’article 123 bis du CGI prévoit que les personnes physiques domiciliées en France, qui détiennent directement ou indirectement au moins 10 % dans une entité étrangère à prépondérance financière et soumise à un « régime fiscal privilégié », sont imposées à raison de leurs droits sur les bénéfices ou revenus positifs dans cette entité au titre des RCM.
Ce dispositif n’est cependant pas applicable si l’entité est établie dans l’UE ou dans un État ayant signé une convention d’assistance avec la France et que la détention des titres ou des droits ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont l’objet serait de contourner la législation fiscale française (clause de sauvegarde).
Modalités d’application aux trusts
L’application de l’article 123 bis du CGI aux trusts a pu faire débat par le passé, au motif, notamment, qu’un trust est dépourvu de capital (difficulté d’application de la condition de détention de 10 % minimum).
Elle a d’abord été confirmée, au plan des principes, par l’Administration (BOI-RPPM-RCM-10-30-20-10, 12 septembre 2012, n°230 ancien), puis par le juge de l’impôt (CAA Paris, 24 juin 2020, n°19PA00458). Dans ce cadre, la CAA de Paris avait toutefois refusé d’en faire une application positive en l’espèce, au double motif qu’il s’agissait de trusts irrévocables et discrétionnaires (les constituants et les bénéficiaires ne détenaient aucune action, part, ou droit de vote dans ce trust et la décision de distribuer des bénéfices, comme la fixation du montant des distributions, étaient à la discrétion du trustee), et qu’en tout état de cause, le contribuable pouvait se prévaloir de la clause de sauvegarde.
La LF 2022 est finalement venue mettre fin aux débats, en confirmant l’application du dispositif aux trusts, et surtout, en créant une présomption de détention de 10 % par le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant d’un trust au sens de l’article 792-0 bis du CGI.
S’il s’agit d’une présomption réfragable, pouvant être utilement combattue par le contribuable, le législateur a pris le soin de préciser que les contribuables ne pourront cependant se prévaloir à cet effet du seul caractère « irrévocable » du trust, et du pouvoir « discrétionnaire » de gestion de son administrateur.
La décision de la CAA de Paris
Un contribuable personne physique a fait l’objet de plusieurs procédures de contrôle sur les années 2009 à 2014, à l’issue desquelles l’Administration a entendu mettre en œuvre les dispositions de l’article 123 bis, à raison des droits qu’il détenait dans 2 trusts (l’un au UK, l’autre à Gibraltar).
La CAA de Paris rappelle d’abord, sans surprise, que les dispositions de l’article 123 bis (dans leur rédaction pré-LF 2022) doivent être regardées comme incluant dans leur champ d’application « les actions, parts, droits financiers, ou droits de vote détenus dans les trusts au sens du droit anglo-saxon » (même considérant de principe que celui dégagé dans sa décision du 24 juin 2020).
Puis, il en admet l’application positive au cas d’espèce.
Le contribuable tentait – sans doute sur le fondement de la décision du 24 juin 2020 – de s’opposer à l’application de l’article 123 bis, en arguant que les trusts en question devaient être regardés comme discrétionnaires et irrévocables.
La Cour écarte toutefois l’argument, en se fondant sur les éléments suivants :
- Le contribuable était « owner», détenteur des trusts à hauteur de 33 % des droits ;
- Bien que les titres soient légalement détenus par un « nominee », prête-nom qui les détient pour le compte des détenteurs de parts, les « owners » des trusts exercent, en vertu des actes constitutifs, les pouvoirs de gestion des sociétés mises en trust, notamment ceux d’ouvrir et gérer les comptes bancaires sur lesquels ils disposent de la signature, et en perçoivent les bénéfices ;
- Il ne résultait pas de l’instruction que le contribuable se soit dessaisi des actifs et bénéfices des trusts considérés.
La Cour écarte ensuite l’application de la clause de sauvegarde – les trusts considérés n’ayant aucune activité économique sur leur territoire d’implantation, et étant dépourvus de substance.