Dans un arrêt du 16 janvier 2025 (n° 22VE02581), la Cour Administrative d’Appel de Marseille précise le régime de la contribution salariale applicable à certaines attributions gratuites d’actions. Elle en profite pour rappeler la chronologie de l’attribution d’actions gratuites, en mettant en évidence la distinction entre la date de l’assemblée générale autorisant l’attribution gratuite d’actions et l’attribution de ces actions par le conseil d’administration. Elle précise par ailleurs que la contribution a un caractère fiscal et non une nature de cotisation de sécurité sociale.
L’histoire
Un contribuable contestait l’application de la contribution salariale de 10 % sur les actions cédées au motif que :
- la date de l’assemblée générale autorisant l’attribution (27 juin 2007) était antérieure à la date de l’entrée en vigueur de la contribution salariale (16 octobre 2007) ; et
- à titre subsidiaire, si la contribution était due, l’Administration aurait dû appliquer le taux de 2,5 %, applicable avant août 2012, et non de 10 % (taux résultant de la LFR pour 2012), dans la mesure où le fait générateur de la contribution se situerait au moment de l’attribution des titres et non pas au moment de la cession.
La position de la Cour
La Cour confirme la position de l’administration fiscale et se prononce sur trois points :
- Elle rappelle la chronologie de l’attribution d’actions gratuites. Elle met en évidence la distinction entre la date de l’assemblée générale autorisant l’attribution gratuite d’actions et l’attribution de ces actions par le conseil d’administration, laquelle survient ultérieurement. Cette distinction est essentielle pour déterminer si la contribution salariale était due. La Cour considère que c’est la date de l’attribution des actions par le conseil d’administration, et non la date de l’assemblée générale autorisant leur attribution, qui doit être retenue :
« Il résulte de l’instruction que, par un courrier adressé le 28 juin 2007, M. A… a été informé que l’attribution des tranches n° 2 et n° 3 des actions gratuites aux dates des 28 juin 2008 pour la première et 28 juin 2009 pour la seconde, restait subordonnée à la condition que l’intéressé exerce toujours des fonctions salariées effectives et à plein temps au sein de la société et ne se trouve pas en période de préavis à la suite d’une démission de ces fonctions. Ainsi les dates des 28 juin 2008 et 28 juin 2009 correspondent à celles de l’attribution effective à compter de laquelle débute la période d’acquisition, Par suite, le service était fondé à retenir ces dates d’attribution effective des actions, postérieures au 16 octobre 2007, pour déterminer la base de la contribution salariale en litige. Le moyen doit dès lors être écarté. »
- Elle rappelle que le fait générateur de la contribution de 10 % résulte de la cession des actions reçues et non de leur attribution. Ainsi, au jour de la cession, le taux en vigueur était de 10 % et non de 2,5 %, taux en vigueur à la date de l’attribution. C’est donc le taux de 10 % qui devait être appliqué.
« Il résulte également des dispositions citées au point 2 que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le fait générateur de la contribution prévue à l’article L. 137-14 du code de la sécurité sociale est constitué non par l’attribution des titres, mais par leur cession. L’administration a retenu à bon droit le taux de 10 %, résultant de l’article 31 de la loi de finances rectificatives pour 2012, entré en vigueur le 18 août 2012, et non le taux de 2,5 % applicable à la date à laquelle le contribuable s’est vu attribuer ces actions, pour assujettir la plus-value en litige à la contribution salariale en cause. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander la réduction de la contribution salariale à laquelle ils ont été assujettis en application du taux de 10 %. »
- La Cour clarifie également « le caractère d’une imposition de nature fiscale » de la contribution salariale de 10 %, pouvant donner lieu au versement d’intérêt de retard (actuellement 0,2 %/mois).
L’avis de nos expertes
Cette décision de la Cour administrative d’appel de Marseille ne surprend pas outre mesure les praticiens qui connaissent bien les difficultés pratiques de l’enchevêtrement de ces différents textes, notamment en cas d’évolution des différents régimes applicables. Elle rappelle, en effet l’importance de la chronologie dans le dispositif d’attribution gratuite des actions.
En pratique, nous pouvons souligner que, pour les attributions régies par les deux derniers dispositifs en matière d’actions gratuites (issus de la loi Sapin II et de la loi Macron II, i.e., dates d’assemblées générales postérieures au 31 décembre 2016), la contribution salariale due sur le gain d’acquisition supérieur à 300 000 € sera bien exigible à la date de la cession au taux en vigueur. Ainsi, il faudra être vigilant en cas d’augmentation postérieure de ce taux – selon la position de la Cour, c’est bien ce nouveau taux qui serait appliqué.
Notons que depuis la loi Macron du 8 août 2015, lorsque le législateur a expressément prévu une date spécifique pour conditionner l’application d’un régime, il a retenu la date de l’assemblée générale et non la date d’attribution, contrairement à la contribution salariale où l’on retient la date à laquelle les actions ont été consenties.
Enfin, conformément à l’esprit du législateur au moment de l’instauration de la contribution de 10 %, la Cour administrative d’appel de Marseille révèle la nature fiscale de cette contribution, ce qui nous semble être une première.
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