Le Conseil d’État admet la déductibilité fiscale, sur le terrain de l’article 38,2 du CGI, des décotes sur prêts restructurés constituées par les banques.
Eléments de contexte
Lorsqu’un établissement de crédit procède à la restructuration d’un prêt, il est tenu de comptabiliser, au titre de l’exercice en cours, une décote, représentative du manque à gagner actualisé et cumulé des intérêts futurs auxquels il renonce, à la fois au compte de résultat, en coût du risque, et à l’actif du bilan, en minoration du montant du prêt.
Cette décote fait ensuite l’objet, sur toute la durée restante du prêt, d’une réintégration comptabilisée, au compte de résultat, en majoration des intérêts perçus au nouveau taux ou en minoration du coût du risque et, à l’actif du bilan, en minoration de son montant initial (règlement comptable ANC n°2014-07, relatif aux comptes des entreprises du secteur bancaire).
Le traitement fiscal de cette décote faisait, en revanche, jusqu’à présent débat.
Il y a plusieurs années déjà, une banque française avait initié un (long) contentieux, pour solliciter la déduction fiscale de ces décotes sur prêts restructurés, sur le fondement des dispositions de l’article 39, 1-5° du CGI.
Le Conseil d’État avait toutefois jugé que ces décotes constituaient un manque à gagner d’intérêts futurs, insusceptibles de donner lieu à une provision fiscalement déductible (CE, 10 mai 2017, n°385218).
La banque a alors engagé un nouveau contentieux (au titre de décotes afférentes à des exercices postérieurs), mais en changeant son fusil d’épaule.
Elle a, cette fois, sollicité la déduction fiscale des décotes sur prêts restructurés sur le fondement de l’article 38,2 du CGI (aux termes duquel « le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt »).
La décision du Conseil d’État
Après avoir rappelé les principes comptables applicables, le Conseil d’État juge que la décote constituée au titre de l’exercice de restructuration d’un prêt ainsi que sa reprise au titre des exercices correspondant à la durée restante du prêt, se traduit par une variation de l’actif net du bilan, négative puis positive.
Il juge ensuite qu’il résulte des dispositions de l’article 38,2 du CGI, et de l’article 38 quater de l’annexe III au CGI, qu’en l’absence de disposition fiscale spéciale y faisant obstacle, la décote est déductible du bénéfice imposable au titre de l’exercice de restructuration, tandis que sa réintégration vient majorer ce bénéfice au titre des exercices ultérieurs concernés.
On notera que, dans ses conclusions (suivies), le rapporteur public prend le soin de souligner que cette décision n’a pas vocation à ouvrir la voie à une « déduction généralisée des pertes futures », mais vise seulement à tirer les conséquences des règles comptables très particulières propres au secteur bancaire.
