Imposition des revenus perçus par des musiciens étrangers au titre de leurs concerts donnés en France

Le TA de Montreuil admet, au plan des principes, que les revenus perçus, via une société étrangère, par des artistes étrangers au titre de concerts donnés en France puissent être imposés sur le fondement des dispositions de l’article 155 A, II. Il l’écarte au cas d’espèce et refuse la déduction des frais réels figurant sur les factures libellées au nom de la société étrangère (application du seul abattement forfaitaire pour frais professionnels de 10 %).

L’histoire

Trois musiciens résidents fiscaux britanniques sont associés au sein d’une société, également britannique.

Au cours de l’année 2016, ces musiciens ont donné une série de concerts en France. La société française chargée de la production du groupe formé par ces musiciens, a versé à cette occasion, les revenus tirés des représentations en France à ladite société britannique. Ces revenus ont été soumis à la RAS de 15 % prévue à l’article 182 A bis du CGI.

Les 3 musiciens ont ensuite déclaré leur quote-part de ces revenus dans la catégorie des traitements et salaires, et ont bénéficié, dans ce cadre, de l’abattement forfaitaire de 10 % pour frais professionnels.

Ils ont ensuite présenté des réclamations revendiquant l’application des dispositions de l’article 155 A, II et, à ce titre, la déduction des frais réels exposés.

La décision du TA de Montreuil

Sur la base légale de l’imposition litigieuse

Pour mémoire, l’article 155 A du CGI vise à dissuader les contribuables susceptibles d’être soumis à l’impôt en France (prestataires réels) de s’y soustraire en faisant percevoir leur rémunération pour services rendus par des personnes établies à l’étranger (personnes interposées).

Ainsi, les sommes perçues par une personne, domiciliée ou établie hors de France, en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières notamment dans l’hypothèse où celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services (CGI, art. 155 A, I).

Ces règles sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France (CGI, art. 155 A, II).

Ainsi que le souligne le rapporteur public dans ses conclusions, il pouvait sembler singulier que le contribuable lui-même demande l’application d’un dispositif anti-abus, même si rien n’interdit de le faire.

Il note également que, dans des hypothèses similaires, l’Administration a plutôt imposé les musiciens étrangers sur le fondement des dispositions de l’article 164 B, en vertu desquelles « sont considérées comme des revenus de source française des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France (…) les sommes, y compris les salaires (…) correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France » (notamment CAA Versailles, 3 mars 2015, n°13VE03603, 13VE03605,13VE03606 et 13VE03607).

Au cas d’espèce, le TA de Montreuil ne tranche pas nettement la question, puisqu’il vise respectivement les articles 164 B, puis 155 A dans sa décision, avant d’indiquer qu’« à supposer que l’imposition puisse être regardée comme fondée sur les dispositions de l’article 155 A », le contribuable ne pouvait pas en tout état de cause revendiquer la déduction des frais réels.

Sur les frais admis en déduction

Les contribuables imposés dans la catégorie des traitements et salaires bénéficient d’un abattement forfaitaire de 10 % pour frais professionnels. Ils peuvent toutefois opter pour la déduction de leurs frais réels, à condition de fournir des justificatifs suffisamment précis pour permettre d’apprécier le montant des frais effectivement exposés par eux dans l’exercice de leur profession (CGI, art. 83).

Au cas d’espèce, les contribuables entendaient déduire les frais figurant sur les factures libellées au nom de la société britannique (selon les conclusions, ces frais étaient répartis par catégories, proratisés et étayés par de nombreux justificatifs).

Le TA juge que même à supposer que l’article 155 A s’applique, et donc que le contribuable puisse demander la déduction de frais libellés au nom et payés par la société étrangère, il n’établissait pas que les frais litigieux auraient été effectivement payés au titre de l’année en question – de sorte qu’il devait se contenter de la seule application de l’abattement forfaitaire.

  • Voir TA Montreuil, 28 juin 2022, n°1813338
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Alice de Massiac

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.