La CAA de Versailles rappelle que, pour l’application de la présomption d’appréhension des revenus réputés distribués, il ne peut y avoir qu’un seul maître de l’affaire. Ainsi, lorsque la maîtrise de l’affaire est partagée, l’Administration doit nécessairement établir qui a effectivement bénéficié des sommes réputées distribuées, et dans quelle proportion.
Rappel
En présence d’un établissement stable non déclaré en France, l’Administration peut, non seulement effectuer un redressement en matière d’IS, mais également, le cas échéant, imposer les associés de la société étrangère disposant d’un ES en France :
- Sur le fondement des dispositions de l’article 109, 1, 1° du CGI, qui pose une présomption légale de distribution à l’égard de tous les bénéfices ou produits qui n’ont été ni déclarés, ni mis en réserve, ni incorporés au capital ;
- Par application des dispositions de l’article 111, c du CGI, qui considère comme revenus distribués les rémunérations et avantages occultes.
De plus, la théorie du maître de l’affaire permet à l’Administration d’être regardée comme ayant apporté la preuve de l’appréhension de revenus réputés distribués par la personne dont elle établit qu’elle est, dans la société dont les revenus ont été regardés comme distribués, le seul maître de l’affaire (notamment, CE, 30 décembre 2011, n°332088).
L’histoire
L’Administration a établi qu’une société panaméenne, spécialisée dans l’achat et la revente de matériel audiovisuel, exerçait, via un établissement stable non déclaré, une activité occulte en France.
Elle a, en outre, entendu faire jouer la présomption dite du « maître de l’affaire » et a imposé entre les mains des 2 codirigeants de fait de la société panaméenne, domiciliés en France, les bénéfices ainsi reconstitués sur le fondement de l’article 109, 1, 1° du CGI à raison des revenus réputés distribués par la société.
La décision de la CAA de Versailles
Sur la mise en évidence de revenus réputés distribués
Devant la CAA de Versailles, l’un des contribuables tentait de s’opposer au redressement, en se référant implicitement à une récente décision du Conseil d’Etat selon laquelle l’imputation, après un redressement, de bénéfices réalisés par une société étrangère, à un établissement stable situé en France, ne saurait, par elle-même, révéler l’existence d’une distribution de revenus par cette société (CE, 8 février 2019, n°410301).
Or, ainsi que le relève la CAA, il ne s’agissait pas ici de l’imputation de bénéfices à un établissement stable, mais bien de la mise en évidence d’une activité occulte en France. A cet égard, elle souligne que l’exercice de cette activité n’a pas été retracé dans la comptabilité de la société panaméenne et que les bénéfices en résultant n’ont été ni déclarés, ni soumis à l’impôt au Panama.
Elle en conclut que les bénéfices mis en évidence à l’issue du redressement révélant l’exercice d’une activité occulte en France par la société panaméenne doivent être regardés comme distribués en application des dispositions de l’article 109, 1, 1° du CGI (en ce sens CE, 27 mars 2020, n°421627).
Sur la mise en œuvre de la théorie du maître de l’affaire
La CAA de Versailles juge, en revanche, qu’en cas de pluralité de maîtres de l’affaire, la présomption d’appréhension des revenus distribués ne peut pas jouer en faveur de l’Administration.
Rappelons que cette solution a été dégagée de manière claire par le Conseil d’Etat il y a quelques années, lequel a jugé qu’en présence de 2 maîtres de l’affaire, le service vérificateur doit nécessairement établir qui a effectivement bénéficié des sommes réputées distribuées, et dans quelle proportion (CE, 22 février 2017, n°388887).
Une exception à cette règle a toutefois été admise dans l’hypothèse où la maîtrise de l’affaire est exercée conjointement par 2 personnes soumises à l’imposition commune au titre de l’IR (CAA Paris, 29 mai 2019, n°18PA01875 – pourvoi formé devant le Conseil d’Etat ayant donné lieu à une décision de non-admission, CE (na), 16 mars 2020, n°433098).