Le Livre Blanc de la Commission européenne : L’ambition d’une TVA moderne pour l’UE

« Payée par les citoyens et collectées par les entreprises, la TVA représente plus de 20% des recettes nationales. Elle a donc une incidence considérable sur chaque citoyen de l’Union Européenne. Toutefois, voici maintenant 40 ans que le système de TVA de l’UE a été mis en place, et il n’est plus adapté à notre économie fondée sur les services de technologies. L’heure est venue de procéder à une ambitieuse réforme de la TVA ». Cette déclaration d’Algirdas Semeta, commissaire européen chargé de la fiscalité, des douanes et de la lutte anti-fraude, vient à l’appui de la Communication sur l’avenir de la TVA, publiée début décembre 2011. Celle-ci fait suite à un livre vert que la Commission a adopté le 1er décembre 2010 et qui a fait l’objet d’une consultation publique particulièrement réussie (1700 contributions reçues). Rappelons que le Cabinet Deloitte Société d’Avocats avait participé à celle-ci et remis après consultation d’organisations professionnelles, ses propres conclusions.

La communication de la Commission, appelée « livre blanc », définit les caractéristiques fondamentales du nouveau régime ainsi que les actions nécessaires. Cette réforme s’envisage sous l’angle de trois objectifs transversaux : Un système de TVA plus simple, plus efficace et plus robuste dans l’UE.

Vers un système simple

La TVA doit être plus pratique à mettre en œuvre pour les entreprises. Un système de TVA plus simple et plus transparent permettrait d’alléger les charges administratives des entreprises, et donc d’encourager les échanges transfrontaliers. En effet, comme le cercle de prospectives de Deloitte Société d’Avocats l’avait précisé, les entreprises sont confrontées à des coûts de compliance très élevés pour le commerce intra-UE, de telle sorte que certains opérateurs trouvent le régime import/export moins contraignant.

Pour faire face à ces difficultés, la Commission souhaite mettre en place trois mesures :

La généralisation du guichet unique

A compter du 1er janvier 2015, un mini guichet unique sera mis en place pour les opérateurs de l’UE fournissant des services de télécommunication, de radiodiffusion, et de télévision, ainsi que les services électroniques aux consommateurs privés. Ainsi les entreprises pourront déclarer et acquitter la TVA dans l’Etat membre ou elles sont établies plutôt que dans l’Etat membre de leur client. Depuis juillet 2003 ce système était prévu pour les entreprises venant de pays tiers et vendant des services électroniques à l’UE.

L’ambition à long terme de la Commission est d’étendre ce système à un grand nombre d’activités afin de promouvoir l’accès au marché unique, notamment pour les PME.

L’objectif de simplification du système TVA a commencé à se concrétiser. En effet, le 13 janvier, la Commission a demandé aux Etats membres d’adopter les mesures nécessaires en vue de préparer l’instauration du mini guichet unique. Elle leur a donc soumis une proposition du Conseil couvrant les aspects pour lesquels des règles communes sont nécessaires: champ d’application du système, obligations en matière de rapports, déclarations de TVA, monnaie à utiliser, paiements, registres à tenir, etc.

Un accès facile à des données relatives aux régimes de TVA

Lors de la consultation, il a été précisé que la disponibilité d’informations précises, fiables et actualisées était la clé pour que les entreprises accomplissent correctement les règles de TVA. La Commission souhaite donc mettre en place un portail web central fournissant des informations relatives aux enregistrements, facturation, dans plusieurs langues. On peut supposer que des difficultés d’actualisation seront rencontrées selon les disponibilités affichées par les Etats membres.

La standardisation des déclarations de TVA

Les règles de facturation ont récemment fait l’objet d’une harmonisation et il existe désormais une égalité de traitement entre les factures papiers et les factures électroniques. Cependant, des différences quant aux obligations en matière de TVA subsistent, ce qui conduit à affaiblir l’intérêt du recours aux centres de services partagés pour l’accomplissement des obligations comptables et fiscales au niveau de l’UE. C’est pourquoi en 2013, la Commission proposera pour les entreprises, une déclaration de TVA normalisée à usage facultatif. Cette approche pourrait être étendue à d’autres obligations telles que l’enregistrement, la facturation et les éléments permettant de justifier une exonération ou l’auto liquidation.

Vers un système plus efficace

Accroître l’efficacité du système TVA, tel est le second objectif visé par la Commission Européenne. Elle précise que si cet objectif est avant tout dans l’intérêt des Etats membres, il vise surtout à réduire la charge administrative pour les contribuables. Elle propose donc d’aller vers un élargissement de l’assiette et de limiter l’utilisation des taux réduit. Si les exonérations et réductions étaient supprimées, le taux normal pourrait même être réduit dans certains Etats membres sans aucune incidence sur les recettes.

Concernant l’élargissement de l’assiette de l’imposition

Une étude récente dans le secteur public et les exonérations d’intérêt général ont mis en évidence le manque de neutralité et l’existence de distorsions de concurrence. La Commission examinera les potentielles suppressions des exonérations actuelles à grande échelle, notamment dans le secteur de l’éducation. Elle proposera aussi un cadre TVA plus neutre et plus simple pour les activités de transports de passagers.

Quant à la structure des taux

Il résulte de la consultation que les différences de taux entraînent des coûts de compliance supplémentaires. Une étude a précisé que la réduction de 50% des différences entre les structures des taux de TVA pourrait se traduire par une augmentation de 9,8% des échanges intra-UE. Enfin, elle rappelle que l’application du taux normal reste le principe de base et que la directive TVA n’oblige pas les Etats membres à faire usage des taux réduits.

La Commission estime que cette révision devrait se fonder sur plusieurs principes directeurs :

  • La suppression des taux constituant un obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur
  • La suppression des taux réduits sur des produits ou services dont la consommation est découragée par certaines politiques de l’UE (comme des biens dommageables pour l’environnement)
  • Des biens et services similaires devront être soumis au même taux (principe d’une convergence entre les supports physiques et électroniques).

Ce dernier point est à souligner alors même que la France et le Luxembourg viennent d’introduire des taux de TVA réduits pour les livres électroniques dont on peine à trouver la base juridique dans la directive.

Dans la perspective de ces principes directeurs, la Commission examinera l’utilisation faite par les Etats membres, dans le cadre du « Semestre Européen ». Dans un second temps, elle formulera des propositions allant dans le sens d’une utilisation limitée des taux réduits de TVA, et à l’issue d’une consultation des parties prenantes et des États membres d’ici la fin de 2013. Compte tenu de la diversité des opinions et des intérêts sur ce sujet on peut craindre qu’une nouvelle consultation n’apporte guère d’avancées.

Vers un système plus robuste et étanche à la fraude

La Commission souhaite mettre un terme à la perte de recettes et résultant de la non- perception de la TVA et de la fraude. En effet, on estime qu’environ 12% de recettes totales qui devraient être collectées ne le sont pas. Ainsi, dès 2012, la Commission développera des mécanismes permettant aux Etats membres de réagir rapidement. En effet, elle souhaite mettre en place des autorisations afin que ces derniers puissent prendre des mesures nationales immédiates, pour mettre un terme à certaines pratiques frauduleuses.

De plus, la Commission entend étudier « la possibilité de mettre en place une équipe d’audit transfrontalière de l’UE pour faciliter et améliorer les contrôles multilatéraux ». Il s’agit pour elle de poursuivre le renforcement et l’amélioration des contrôles multilatéraux. Un échange d’informations intensifié, automatisé et rapide entre les administrations fiscales nationales sera capital pour la réalisation de cet objectif.

Depuis 2006, elle développe une stratégie de lutte contre la fraude et a adopté certaines mesures telles que la création d’Eurofisc (réseau de fonctionnaires des fiscs nationaux chargés de détecter et combattre les nouvelles formes de fraude TVA).

Pour accomplir ce dernier objectif, la Commission se propose de revoir la manière dont la TVA est perçue et contrôlée. En dépit des réactions très négatives des opérateurs économiques, elle souhaite, à la demande des Etats membres, analyser plus en détail la faisabilité du paiement scindé et ses modalités de fonctionnement avant de décider sur les suites à donner à cette idée.

Enfin la Commission aborde la question du traitement des opérations intracommunautaires. Elle estime qu’un système de TVA moderne doit être fondé sur le principe de destination. Les modalités de mise en œuvre de ce système ne sont pas abordées dans la communication. Cependant, il est évident que, par le biais de cette consultation, la Commission souhaite indiquer la direction générale des modifications qu’elle entend proposer mais elle laisse à ce stade les modalités de l’imposition à destination largement ouvertes.

Pour conclure, cette Communication témoigne d’une volonté des acteurs de l’UE de dessiner les contours d’un gouvernement économique européen. En effet, la Commission souligne la nécessité pour les Etats membres d’instaurer une véritable coordination dans leur politique économique afin d’aboutir notamment à un système de TVA plus cohérent. Nous sommes donc dans l’expectative des initiatives qu’elle déploiera au cours des prochains mois pour définir les premières applications de ce nouveau système.