Modalités de REP contre un rescrit fiscal spécial : nouvelles précisions

Le Conseil d’État rappelle que les prises de position défavorables retenues par l’Administration dans le cadre d’une demande de rescrit spécial sont présumées entraîner des effets non fiscaux, de nature à justifier la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir. Il précise que c’est toutefois à la condition que la notification de la demande à l’Administration soit intervenue préalablement à l’opération considérée. Ces principes sont également applicables aux recours dirigés contre une décision revenant sur une prise de position antérieure favorable.

Rappel

En principe, les rescrits fiscaux ne peuvent pas être contestés dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir (REP), compte-tenu de la possibilité d’un recours de plein contentieux devant le juge de l’impôt.

Cependant, par une décision du 2 décembre 2016, le Conseil d’État a admis une exception à ce principe, dans l’hypothèse où l’application de la prise de position de l’Administration entraînerait pour le contribuable des effets notables, autres que fiscaux (CE, 2 décembre 2016, n°387613, Ministre c/ Société Export Press).

Il a précisé qu’il en va ainsi notamment lorsque le fait de se conformer à cette prise de position est susceptible d’imposer au contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique, ou encore de l’amener à renoncer à un projet important ou à en modifier substantiellement les termes.

En revanche, il a expressément indiqué que la condition relative aux effets non fiscaux de la prise de position de l’Administration ne valait que pour le rescrit général, et non pour les rescrits spéciaux prévus aux articles L. 80 B, 2° à 6° et 8° et L. 80 C du LPF, lesquels sont, eu égard aux enjeux économiques qui motivent ces demandes, réputés remplir cette condition.

Précisons que ne sont toutefois (notamment) pas visés par cette présomption les rescrits abus de droit et les « rescrits-valeurs ». Les rescrits « clause anti-abus fusion », « clause générale anti-abus » et les « rescrits-contrôle » non plus – mais leur introduction est postérieure à 2016. Il n’est toutefois pas certain qu’ils pourraient bénéficier de cette présomption.

En tout état de cause, la faculté de former un REP contre un rescrit – qu’il soit général ou spécial – est subordonnée à la condition que le contribuable ait sollicité un second examen de sa demande sur le fondement de l’article L. 80 CB du LPF.

L’histoire

Un médecin, exerçant depuis 2013, a transféré son activité en mai 2018 dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneurs (ZFU-TE). Le mois suivant, en juin 2018, il a sollicité l’administration fiscale, dans le cadre d’une demande de rescrit (sur le fondement de l’article L. 80 B, 2°, b), afin de savoir s’il pouvait bénéficier du régime d’exonération fiscale prévu en faveur des entreprises s’implantant dans les ZFU-TE (prévu à l’article 44 octies A du CGI).

Dans un premier temps, l’Administration lui a apporté une réponse favorable. Toutefois, à l’issue d’une nouvelle analyse de sa situation, elle est revenue sur sa position initiale et a finalement rejeté sa demande. Cette décision a été confirmée par le collège territorial de second examen.

Le contribuable a formé un REP contre cette dernière décision.

La décision du Conseil d’État

Faisant application des principes dégagés dans sa décision Société Export Press de 2016 précitée, le Conseil d’État rappelle qu’une prise de position défavorable de l’Administration sur une demande de rescrit formulée en application de l’article L. 80 B, 2° du LPF est, eu égard aux enjeux économique qui la motivent, réputée entraîner des effets notables autres que fiscaux, de sorte qu’elle peut être contestée par la voie du REP, sous réserve que la demande de rescrit ait été adressée à l’Administration préalablement à l’opération en cause.

Il précise que ces règles sont également susceptibles de s’appliquer aux recours introduits par les contribuables à l’encontre des décisions par lesquelles l’Administration revient sur une prise de position antérieure favorable.

Il rejette toutefois la requête du contribuable en l’espèce, la demande de rescrit ayant été effectuée après qu’il a transféré son activité professionnelle dans une ZFU-TE.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.