Notion d’erreur comptable délibérée : le Conseil d’Etat apporte des précisions d’importance

Dans une décision publiée au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat précise les contours de la notion d’erreur comptable délibérée, non rectifiable, et confirme l’application des pénalités de 40 % pour manquement délibéré en pareille hypothèse.

Rappel

Les erreurs (de droit ou de fait) constatées dans chacun des bilans clos durant la période ouverte au droit de vérification de l’Administration peuvent être rectifiées, tant par celle-ci lorsqu’elles jouent au profit du contribuable, que par ce dernier lorsqu’elles ont joué à son détriment (BOI-BIC-BASE-40-10, § 20, 13 mai 2013).

A cet égard, est considérée comme une erreur toute irrégularité, inexactitude ou omission qui résulte d’une « appréciation purement objective de faits matériels » par un contribuable de bonne foi (par exemple, omission en comptabilité de frais déductibles ou d’éléments d’actif ou de passif, ou encore comptabilisation pour une valeur inexacte).

Ces erreurs ne peuvent toutefois donner lieu à rectification que dans la mesure où elles ont été commises de bonne foi.

A l’inverse, une erreur comptable délibérée (omission volontaire de recettes ou déduction de charges fictives, par exemple) n’est opposable qu’au contribuable, et non à l’Administration, peu important d’ailleurs que le but dans lequel l’écriture erronée a été délibérément réalisée n’ait pas été d’éluder l’impôt (CE, 12 mai 1997, n°160777).

L’histoire

Une société française a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012 et 2013, à l’issue de laquelle l’Administration a estimé que le solde créditeur du compte-courant de l’un de ses associés, une société britannique, constituait un passif injustifié au bilan de clôture de l’exercice 2012. Elle a assorti son redressement des pénalités de 40 % pour manquement délibéré.

Pour justifier ce passif, la société française a d’abord soutenu (durant les opérations de contrôle puis devant les juges de 1re instance), que ce solde résultait d’un prêt que lui avait consenti son associé britannique en vue de l’acquisition d’un bien immobilier.

En appel, la société a changé son fusil d’épaule, et soutenu que ce prêt avait, en réalité, été consenti non pas par son associé britannique, mais par son autre associé et gérant, par virement en provenance d’un compte non déclaré, dont celui-ci était titulaire en Suisse. Elle a demandé la rectification de l’erreur comptable qu’elle aurait ainsi commise, tenant à la seule désignation du prêteur.

Considérant qu’il ne s’agissait pas d’une erreur comptable involontaire et donc rectifiable, la CAA de Paris a refusé de faire droit à la demande de la société, et a confirmé l’application des pénalités de 40 % pour manquement délibéré.

La décision du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat confirme la décision des juges d’appel, et l’impossibilité pour le contribuable de demander la prise en compte de la dette réelle délibérément omise.

Rappelons que le Conseil d’Etat avait, au contraire, pu juger, par le passé, qu’une erreur comptable, qu’elle soit rectifiable ou délibérée, qui n’entraîne pas de variation de l’actif net, n’a pas de conséquence fiscale (dette d’une société transférée par erreur d’un compte de passif à un autre compte de passif, CE, 25 mars 2013, n°355035).

Il valide également l’application des pénalités pour manquement délibéré, en jugeant que le gérant de la société ne pouvait ignorer la provenance réelle de la somme comptabilisée au crédit du compte courant d’associé de la société britannique, pas plus qu’il ne pouvait ignorer que le maintien au passif du bilan pendant plusieurs exercices successifs d’une dette non justifiée d’un montant important ne pouvait être regardé comme une simple erreur commise de bonne foi.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.