Ce mardi, les sénateurs ont voté la One Big, Beautiful, Bill, avec quelques modifications notables par rapport au projet dévoilé par la Commission des Finances.
Cette nouvelle version, développée dans les 480 pages du volet fiscal, a été renvoyée devant la Chambre des Représentants en vue d’un vote qui ouvrirait la voie à une ratification par Donald Trump. A noter que ce dernier avait fixé pour objectif au Congrès une signature le 4 juillet pour la Fête Nationale américaine.
Parmi les points saillants de cet OBBBA dans sa dernière ligne droite, on retiendra notamment :
Les points de discorde entre les deux Chambres
Plafond de déduction « SALT »
Il s’agit à date d’une source de discorde importante entre les deux Chambres : le montant autorisé de la déduction des State and Local Taxes – SALT, de la base imposable à l’impôt fédéral des particuliers, était de 10 000 USD dans la version initiale des Sénateurs, en attendant un accord sur l’évolution de ce plafond à l’issue de négociations serrées. Les Représentants, eux, avaient prévu un plafond à 40 000 dollars, avec un abattement au-delà d’un revenu annuel imposable de 500 000 dollars, afin de répondre aux exigences des députés issus de circonscriptions aisées, qui l’avaient érigé en condition à leur vote.
Les Sénateurs se sont finalement accordés sur une relève du plafond à 40 000 dollars en 2025, 40 400 dollars en 2026, puis des augmentations successives de 1% chaque année jusqu’en 2029, avant un retour à 10 000 dollars en 2030.
A défaut d’accord sur ce point critique, c’est tout l’OBBBA qui pourrait être bloqué faute de majorité. Les Sénateurs escomptent que la pression du Président pour une ratification ce vendredi pourrait inciter les Républicains en désaccord au sein de la Chambre à voter néanmoins le texte. En conséquence, bien que non lié à la fiscalité des entreprises, on suivra ce point stratégique avec attention.
Crédits d’impôt énergie
Une autre source de désaccord réside dans les modalités d’abrogation des crédits d’impôt énergies renouvelables, issus principalement de l’IRA. Le Sénat avait initialement proposé une approche plus graduelle que la Chambre des Représentants, qui envisageait des suppressions brutales, en ligne avec l’opposition marquée du Président avec les mesures incitatives, comme il a eu l’occasion de le mentionner dans un post la semaine dernière :
« JE DETESTE LES ‘CREDITS D’IMPOT VERTS’ DANS LA GRANDE BIG BEAUTIFUL BILL. Ce ne sont en général qu’une ESCROQUERIE géante.
Rien de tout cela ne fonctionne sans subventions massives du gouvernement (l’énergie de devrait PAS AVOIR BESOIN DE SUBVENTIONS !). Et c’est en outre quasiment exclusivement fabriqué en Chine !!! C’est le moment d’arrêter, enfin, cette folie !!! » (majuscules d’origine).
Les crédits d’impôt en faveur des énergies renouvelables sont bien vus par certains Sénateurs représentant des Etats ayant bénéficié ou espérant des emplois et des investissements issus de cette politique verte. La version votée a ainsi modifié la section « Suppressions progressives et limitations » pour inclure des précisions supplémentaires et un nouveau titre « Abrogations et restrictions ». A titre d’exemple, les crédits relatifs aux projets solaires et éoliens seraient accessibles aux projets mis en service au plus tard en 2028 (au lieu des projets dont la construction aurait commencé au plus tard en 2028).
Autres différences notables
Comme noté dans notre précédent article, d’autres différences doivent encore être résolues pour aboutir à un texte soumis à ratification de Donald Trump :
- Mesures à portée permanente : suramortissement à 100% de certains investissements, déduction des dépenses de R&D domestique, déduction des charges financières nettes sur la base de l’EBITDA en lieu et place de l’EBIT comme prévu par le TCJA. Ces mesures étaient étendues uniquement jusqu’en 2029 par les Représentants.
- Durcissement de la taxe BEAT et taux moins généreux pour GILTI et FDII à compter de 2025.
- Déduction pour frais et charges de 20% pour les particuliers au lieu de 23% dans la version de la Chambre.
Le cas de l’article 899
Le nouvel article 899 visant à augmenter le taux des prélèvements et étendre l’application de la taxe BEAT pour tous les contribuables résidents d’Etats ayant mis en œuvre des mesures fiscales considérées comme « injustes » a vendredi dernier fait l’objet d’un retrait, suite à l’annonce d’un accord avec les pays du G7 selon lequel les règles de Pilier 2 ne seraient pas applicables aux groupes américains. Les présidents des deux Commissions des Finances ont ainsi salué cette annonce du Secrétaire du Trésor :
« A la demande du Secrétaire Bessent et à la lumière de cet accord pour préserver la souveraineté fiscale US et permettre aux règles fiscales américaines de co-exister avec le régime Pilier 2, nous retirons l’article 899 du One, Big, Beautiful Bill Act, et nous nous préparons à travailler activement avec le Trésor sur ces sujets importants. »
A noter que la règle UTPR n’était pas la seule visée par l’article 899, qui incluait dans les mesures fiscales injustes les taxes sur les services digitaux, mais il semble que les Etats-Unis aient décidé de traiter de ces questions au travers des droits de douane plutôt que la fiscalité directe, comme le montre l’exemple récent du Canada. Par ailleurs, les législateurs ont également prévenu que « les représentants Républicains au Congrès sont prêts à prendre des mesures immédiates si certaines parties se désengageaient de cet accord ou traînaient des pieds pour sa mise en œuvre ».
Chiffrage
On se rappellera que la version du OBBBA par le Sénat était chiffrée, à politique constante, à 400 milliards de dollars ; toutefois, le chiffrage à loi constante tel que l’a effectué la Chambre des Représentants s’élèverait à 4 200 milliards de dollars.
Ce point est important si on considère que la procédure de Budget Reconciliation qui permet le vote à majorité réduite requiert que le projet de loi reste sous certains seuils de déficits sur la fenêtre budgétaire de 10 ans, seuils qui seraient dépassés dans l’hypothèse d’une évaluation à loi constante. Compte tenu des faibles majorités républicaines, un vote selon les règles de droit commun n’aurait que peu de chance d’aboutir à une ratification.
Délais
Avec la date butoir imposée par Donald Trump lui-même qui approche à grands pas, la pression monte sur le Congrès pour finaliser les derniers ajustements et le vote. Le Président a rappelé cette exigence le 24 juin dernier par un post explicite :
« A mes amis au Sénat, enfermez-vous dans un bureau s’il le faut, ne rentrez pas chez vous et BOUCLEZ CET ACCORD CETTE SEMAINE. Travaillez avec la Chambre pour qu’ils puissent s’en saisir et le faire passer, IMMEDIATEMENT. PERSONNE NE PART EN VACANCES TANT QUE CE N’EST PAS FAIT. » (majuscules d’origine).
Impact sur la publication des comptes du premier semestre
Comme précédemment, tant que l’OBBBA n’est pas ratifiée par Donald Trump, elle ne peut être considérée comme entrée en vigueur et ne peut donc, à ce jour, être prise en compte dans les publications semestrielles.
Toutefois, en cas de ratification pour le 4 juillet, il n’est pas à exclure que les changements les plus importants soient considérés comme événements post-clôture devant le cas échéant faire l’objet d’une communication spécifique en annexe des états financiers conformément aux US GAAP.