Opposabilité de la doctrine administrative : Restitution totale des impositions acquittées au titre d’une PV de vente de titres en cas de réclamation du cédant consécutive à l’annulation de la vente

Dans un arrêt rendu sur renvoi après cassation, la CAA de Versailles juge qu’un contribuable qui a spontanément déclaré et acquitté l’impôt sur la plus-value de cession de titres de participation peut se prévaloir de l’opposabilité de la doctrine administrative dans le cadre d’une réclamation ultérieure tendant à la décharge de l’imposition, dès lors que les commentaires au BOFiP ne prévoient aucune condition autre que la résolution de la vente.

Garantie contre les changements de doctrine

On sait que les dispositions de l’article L. 80 A du LPF protègent les contribuables des changements d’interprétation des règles fiscales formellement admises par l’Administration. Elles leur permettent, d’une part, de s’opposer au rehaussement d’une imposition conforme à l’interprétation formellement admise par l’Administration en vigueur à la date de mise en recouvrement (1er alinéa) et, d’autre part, à l’établissement d’une imposition primitive ou rectificative, contraire à l’interprétation publiée par l’Administration et appliquée par le contribuable (3alinéa).

Conformément à ces dispositions, pour pouvoir utilement contester une imposition primitive ou rectificative en invoquant la doctrine administrative, le contribuable doit avoir appliqué l’interprétation de l’administration fiscale (pour une application récente voir CE 9 septembre 2020, n°434364, Sté Damolin Etrechy).

L’histoire

En 2014, un contribuable réalise une plus-value liée à la cession de titres, il procède à la déclaration et au paiement de l’impôt correspondant.

En 2016, la vente est résolue en application des stipulations du contrat, faute pour l’acheteur de s’être acquitté de la 4e tranche du prix d’acquisition prévue par l’échéancier de paiement.

Par une réclamation contentieuse, le cédant demande alors le dégrèvement et le remboursement des impôts précédemment acquittés au titre de la plus-value préalablement constatée lors de la cession.

L’Administration n’accède que partiellement à sa demande, en limitant le dégrèvement à hauteur de la portion de la plus-value correspondant à la fraction du prix de vente non payée par l’acheteur.

Le contribuable a donc tenté de se prévaloir de la doctrine administrative – plus favorable que la lettre du texte (application combinée des articles 150-0 A du CGI et 1583 du Code civil) – laquelle prévoit que « la plus-value ayant en principe été soumise à l’impôt sur le revenu au titre de l’année de la conclusion de la transaction, si ultérieurement le contrat est annulé, résolu ou rescindé, le contribuable peut obtenir, sur réclamation, une restitution partielle ou totale des droits indûment versés. La demande de dégrèvement de l’imposition initialement établie peut être présentée dans un délai dont le point de départ est constitué par la date d’annulation, de la rescision ou de la résolution de la vente, et qui expire le 31 décembre de la deuxième année suivante ».

L’Administration – confortée en cela par les juges du fond – a refusé de faire droit à la demande, dès lors que le contribuable avait été imposé sur la plus-value litigieuse conformément à sa déclaration, sans faire l’objet d’un redressement.

Autrement dit, elle considérait que dès lors qu’elle n’avait ni établi, ni rehaussé l’impôt, le contribuable ne pouvait se prévaloir de la protection de la doctrine administrative (CAA Marseille, 18 février 2020, n°18MA02365).

A l’inverse, le juge de cassation a considéré que le contribuable ne pouvait faire application des commentaires administratifs invoqués que par voie de réclamation présentée postérieurement à la résolution de la vente, ce qu’il avait fait. Il a donc cassé l’arrêt d’appel et renvoyé l’affaire devant la CAA de Versailles.

La décision de la CAA

Après avoir relevé que les commentaires administratifs ne prévoient aucune condition autre que la résolution de la vente, la CAA de Versailles juge que le contribuable était en droit de demander, sur le terrain de cette doctrine, la restitution totale des impositions auxquelles il a été assujetti à raison de la plus-value dégagée lors de la cession des titres.

De plus, la Cour relève que sont sans incidence :

  • D’une part, le fait que le contribuable ait conservé une partie du prix de vente à titre d’indemnité pour résolution de cession ;
  • D’autre part, le fait que le contribuable ait procédé à la cession d’une partie des actions récupérées après résolution de la vente initiale– cette cession constituant une opération distincte.

On rappellera que dans ce cas spécifique du contribuable qui n’a pas été en mesure de faire application de la doctrine au stade de sa déclaration ou du versement de l’impôt, le Conseil d’État avait déjà jugé dans le même sens (voir CE, 23 novembre 2015, n°370712, Sté Exxonmobil France Holding : il y a lieu de déroger à la règle selon laquelle le contribuable qui a acquitté spontanément un impôt sans faire application d’une doctrine n’est plus en droit de se prévaloir, sur le fondement de l’article L 80 A du LPF, dans le cas où c’est seulement par voie de réclamation présentée postérieurement à un événement que le contribuable pouvait faire application de la doctrine).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]