PLF 2020 : Transposition de la directive (UE) 2017/2455 du 5 décembre 2017 relative au commerce électronique (art. 53 et suivants)

Le PLF 2020 dédie une large part de ses développements relatifs à la fiscalité indirecte au commerce en ligne.

Les Etats membres de l’Union européenne considérant que ce type de commerce peut être vecteur de fraude à la TVA, le Conseil a adopté une Directive (n° 2017/2455 du 5 décembre 2017) qui prévoit des dispositifs spécifiques de lutte anti-fraude et de simplification de la perception de la TVA. Le projet devrait en assurer la transposition, à effet au 1er janvier 2021.

Définition, régime et mode de perception de la TVA concernant les ventes à distance intracommunautaires de biens et certains services

Tout d’abord, la notion de vente à distance intracommunautaire de biens de l’article 256 du CGI devrait être précisée.

Traditionnellement, il s’agit d’une livraison de biens (autres que des moyens de transport neufs et des biens livrés montés et installés), expédiés ou transportés par un fournisseur établi dans l’Union européenne ou pour son compte, entre deux Etats membres, au profit d’un particulier ou d’une personne bénéficiant du « régime dérogatoire » lui permettant de ne pas assujettir à la TVA ses acquisitions intracommunautaires (cas typique du e-commerce « B to C »).

Le droit en vigueur prévoit que contrairement à la règle de principe (taxation dans l’Etat membre de départ des biens), la TVA est due sur une telle livraison dans l’Etat membre d’arrivée ou d’expédition des biens, lorsqu’un certain seuil de recettes déterminé par cet Etat membre est dépassé, obligeant ainsi le fournisseur à s’identifier à la TVA dans ce dernier. Pour mémoire, la France a retenu un seuil de 35 000 € HT.

Or, afin de ne devoir la TVA que dans l’Etat membre de départ des biens (la plupart du temps, c’est celui où le fournisseur est établi), certains opérateurs ont structuré leurs opérations de manière à dissocier la vente du transport des biens, tout en conservant cette dernière prestation au sein de leur groupe. Pour éviter toute dissociation artificielle, le PLF 2020 prévoit d’affiner la définition de la vente à distance intracommunautaire de biens en incluant le cas d’un fournisseur qui intervient indirectement dans le transport ou l’expédition des biens. Nous rappellerons à ce titre que selon les lignes directrices découlant de la 104e réunion du Comité de la TVA (qui ne sont pas opposables mais qui donnent un aperçu des positions des Etats membres sur certains sujets), l’intervention dite « indirecte » peut être qualifiée lorsque le fournisseur sous-traite le transport, assume la responsabilité d’un transport effectué par un tiers ou répercute les frais d’un transport effectué par un tiers sur l’acquéreur. Il en va de même, pour certains Etats membres, lorsque le fournisseur promeut activement les services de livraison d’un tiers auprès de l’acquéreur, met en relation l’acquéreur et le tiers et communique au tiers les informations nécessaires à la livraison des biens. La nouvelle définition de la vente à distance intracommunautaire de biens devrait donc rétablir l’objectif de la loi en évitant qu’une telle vente ne soit déqualifiée lorsque le fournisseur intervient de manière indirecte dans le transport.

En outre, le projet prévoit d’abroger le seuil de taxation des ventes à distance intracommunautaires de biens de 35 000 € et de le remplacer par le seuil de 10 000 €, ce qui devrait aboutir à l’utilisation d’un seuil commun pour déterminer le lieu de taxation entre, d’une part, les services de télécommunications, radiodiffusion, télévision ou les services électroniques à des personnes non-assujetties établies dans l’Union européenne et, d’autre part, les ventes à distance intracommunautaires de biens à ces mêmes personnes. Le seuil de 10 000 € devrait s’apprécier en global, en cumulant le montant de toutes ces transactions (les Articles 258 A et 259 D du CGI seront modifiés en conséquence, et l’Article 258 B abrogé). Autrement dit, le franchissement du seuil devrait rendre le fournisseur-prestataire redevable de la TVA dans l’Etat-membre d’établissement de l’acquéreur, tant en ce qui concerne les ventes à distance intracommunautaires de biens (peu importe si le seuil de 10 000 € est atteint ou non dans l’Etat-membre d’arrivée), que les services rendus à leur profit.

Or, pour encourager les opérateurs établis dans l’Union européenne, qui doivent la TVA sur leurs ventes à distance intracommunautaires de biens dans un autre Etat membre où ils ne sont pas établis, à remplir leurs obligations déclaratives, il est prévu d’élargir le recours au système du guichet unique de perception de la TVA, de manière à inclure toutes les ventes à distance intracommunautaires de biens. A l’instar des services de télécommunications, radiodiffusion, télévision et des services électroniques, qui sont déjà éligibles à un système de guichet unique, le fournisseur devrait donc être habilité à déclarer la TVA due dans tous les Etats membres où il effectue des ventes à distance intracommunautaires taxables à partir du guichet unique mis à disposition dans l’Etat membre de son siège (ou de son établissement stable).

A ce titre, l’article 298 sexdecies G du CGI organise et fusionne ce mode de perception de la TVA pour les ventes à distance intracommunautaires de biens, les services de télécommunications, radiodiffusion, télévision et les services électroniques, mais également pour tous les autres services rendus à des personnes non assujetties dont le lieu de taxation est situé dans un autre Etat membre dans lequel le prestataire n’est pas établi. Il s’agit là d’une grande avancée et d’une simplification du mode de perception de la TVA au sein de l’Union-européenne.

Enfin, il convient de retenir que l’opérateur se prévalant de ce régime particulier de perception doit tenir à jour un registre électronique détaillé des opérations qui en relèvent, durant 10 ans, et que ce registre doit être mis à la disposition de l’administration fiscale de l’Etat membre de consommation, sur demande de cette dernière.

Définition, régime et mode de perception de la TVA concernant les ventes à distance de biens importés

La notion de vente à distance de biens importés de territoires tiers devrait être introduite dans le CGI, à l’article 256 II bis. La définition reprend la même subtilité que celle prévue pour les ventes à distance intracommunautaires de biens: la vente à distance de biens importés serait en effet définie comme une livraison de biens expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, y compris lorsque le fournisseur intervient indirectement dans le transport ou l’expédition des biens, à partir d’un territoire tiers ou d’un pays tiers, à l’attention des mêmes personnes que celles visées ci-dessus (particuliers, personnes bénéficiant d’un régime dérogatoire). Le fournisseur pourrait être établi dans l’Union européenne ou dans un pays tiers. L’objectif de cette mesure est de taxer ces livraisons en France, lorsque les biens importés sur le territoire d’un autre Etat membre sont expédiés à l’attention d’un acquéreur en France, ou lorsque les biens sont importés et livrés en France à un acquéreur.

Il convient de noter qu’aucune disposition n’est prévue lorsqu’un opérateur tiers effectue des ventes à distance de biens importés et rend des services de télécommunication, radiodiffusion, télévision ou des services électroniques. Chaque flux devrait donc suivre le régime de TVA qui lui est propre.

Les modalités de perception de la TVA devraient être également facilitées, puisque les opérateurs pourront avoir recours à un système de guichet unique lorsqu’ils livrent des biens (hors produits soumis à accises) contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 € (ou sa contrevaleur en monnaie nationale). Le régime est prévu à l’article 298 sexdecies H nouveau du CGI. Au-delà, les règles de droit commun de perception de la TVA devraient trouver à s’appliquer. Les opérateurs concernés pourront donc déclarer à partir du guichet unique applicable la TVA due dans tous les Etats membres au titre de la vente à distance de bien importés ne dépassant pas ce seuil. Alternativement, ils pourront désigner un intermédiaire établi dans l’Union européenne en charge des obligations déclaratives en leur nom et pour leur compte via le guichet unique dont relève cet intermédiaire. Qui plus est, pour les encourager à respecter leurs obligations, les opérateurs qui s’identifient à la TVA pour bénéficier du système du guichet unique devraient bénéficier d’une exonération de la TVA à l’importation (cette exonération seraient codifiés à l’article 291 II 11° du CGI). Pour permettre le contrôle des opérations déclarées sur le guichet unique, le PLF prévoit là encore que l’opérateur ou l’intermédiaire devra tenir un registre détaillé des opérations relevant de ce régime particulier et pouvoir le mettre à disposition de l’administration fiscale de l’état de consommation, sur demande de cette dernière.

Focus sur les places de marchés facilitant les ventes à distance

Le PLF prévoit des mesures spécifiques applicables aux places de marchés, plateformes et portails électroniques qui facilitent les ventes à distance de biens importés de pays ou territoires tiers contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 € ou qui facilitent les livraisons de biens à l’intérieur de l’Union européenne par un fournisseur qui n’y est pas établi.

Ces mesures visent à lutter contre la fraude à la perception de la TVA, de nombreux vendeurs établis dans des pays tiers à l’Union européenne effectuant des ventes au profit de consommateurs qui y sont situés, sans respecter leurs obligations en matière de TVA. Il s’agit là d’une volonté clairement exprimée par les Etats membres, le préambule de la Directive 2017/2455 précisant à ce sujet : « les ventes à distance de biens, que ce soit d’un État membre vers un autre ou de territoires tiers ou pays tiers vers la Communauté, sont, pour une grande part, facilitées par l’utilisation d’une interface électronique telle qu’une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, souvent en liaison avec des installations d’entreposage et de traitement des commandes. Si les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable de la TVA est solidairement tenue d’acquitter la TVA dans ces cas, cela n’a pas permis d’assurer une perception effective et efficace de la TVA. Afin d’atteindre cet objectif et de réduire la charge administrative pour les vendeurs, les administrations fiscales et les consommateurs, il est par conséquent nécessaire d’associer les assujettis qui facilitent les ventes à distance de biens par l’utilisation d’une telle interface électronique à la perception de la TVA sur ces ventes en prévoyant qu’ils sont les personnes réputées avoir effectué ces ventes ».

Le projet introduit donc un article 256 V b) 2° au CGI, selon lequel l’assujetti qui facilite, par l’utilisation d’une interface électronique telle qu’une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, les ventes à distance de biens importés de pays ou territoires tiers contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 € ou les livraisons de biens à l’intérieur de l’Union européenne par un fournisseur qui n’y est pas établi, est réputé avoir acquis et livrés les biens. Dans ce cas, l’expédition ou le transport de ces bien est imputé à la livraison effectuée par la plateforme. Cette mesure devrait permettre de rendre la plateforme redevable de la TVA qui est due au titre des livraisons visées ci-dessus.

Il conviendra donc de traiter ces opérateurs comme des acheteurs (importateurs) et revendeurs des biens concernés. Les régimes de TVA y afférents pourront leur être appliqués, avec certains aménagements (en matière de fait générateur et d’exigibilité de la TVA, par exemple). En outre, ces opérateurs seront astreints à la consignation dans un registre électronique détaillé des livraisons de biens et prestations de services. Ce registre devra être remis à l’administration fiscale sur demande de cette dernière et être conservé durant 10 ans.

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Vanessa Irigoyen

Vanessa, Avocat Associée, possède plus de 16 ans d’expérience en fiscalité indirecte. Elle travaille avec des clients français et internationaux dans divers secteurs, notamment : pharmaceutique, e-business, aérospatial et défense, […]

Nicolas Kazandjian

Nicolas, Avocat Directeur, totalise 20 années d’expérience en matière de fiscalité indirecte. Il assiste des groupes multinationaux et des ETI basés en France et à l’étranger, opérant dans divers domaines […]