Depuis plusieurs années de nombreux OPCVM étrangers ont réclamé le remboursement de retenues à la source sur les dividendes subies en Europe. En effet, sur le fondement de la jurisprudence européenne (Arrêts Denkavit (CJUE, 14 décembre 2006, C-170/05, Denkavit Internationaal BV, Denkavit France SARL c/ Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie), et arrêt Aberdeen (CJUE, 18 juin 2009, C-303/07, Aberdeen Property Fininvest Alpha) l’imposition d’une retenue à la source sur les dividendes versés à un OPCVM non-résident alors que le même dividende ne serait pas taxé lorsqu’il est distribué à un OPCVM résident, a été jugé comme discriminatoire et contraire aux principes de liberté de circulation de capitaux et liberté d’établissement.
L’arrêt Santander rendu le 10 mai 2012 par la Cour de Justice de l’Union Européenne contre la France, est venu confirmer cette jurisprudence en l’étendant aux OPCVM d’Etats tiers comparables à des OPCVM français. A la suite de cet arrêt la France a été condamnée à rembourser les retenues à la source subies par des OPCVM d’Etats tiers (Etats-Unis).
Suite à ces arrêts, la France et de nombreux autres États ont modifié leur législation et commencé à rembourser les retenues à la source prélevées à tort.
Intérêt à agir
Alors que les OPCVM étrangers ont très vite demandé des remboursements (et ce bien avant l’arrêt Santander), les sociétés de gestion françaises ont été moins promptes à agir. Cela s’explique en partie par l’environnement réglementaire français qui laisse moins de latitude aux sociétés de gestion dans la refacturation aux fonds des coûts engagés pour obtenir le remboursement.
Malgré les questions juridiques comptables et fiscales qui peuvent se poser, il est essentiel que les sociétés de gestion françaises, demandent le remboursement des retenues à la source subies par leurs fonds.
En effet il y va de l’intérêt des porteurs de parts. Une société de gestion qui n’aurait pas au moins considéré une demande de remboursement de RAS, pourrait engager sa responsabilité vis-à-vis de ses porteurs de parts. Au-delà de la responsabilité juridique, il en va également de la crédibilité de ces gérants vis à vis de leurs investisseurs, tout particulièrement dans un contexte difficile où toutes les sociétés de gestion sont en recherche de performance. Compte tenu des montants en jeu souvent significatifs, il est délicat de justifier l’absence de procédure de réclamation.
Les questions pratiques
Dans quels pays les OPCVM français peuvent-ils réclamer le remboursement de RAS ?
De nombreux pays européens se trouvent en situation de discrimination et par conséquent, il est encore possible de lancer une procédure de réclamation dans 13 États européens dont certains procèdent déjà au remboursement.
Fig 1. Exemple des principaux pays où une réclamation est possible
Il est possible de déterminer si une réclamation est viable et estimer les chances de succès par pays.
Les chances de succès d’une réclamation dépendent aussi de la qualité du dossier et des éléments fournis pour étayer la réclamation. C’est pourquoi l’aspect procédural de ces réclamations ne doit pas être négligé. Les procédures à suivre varient selon les pays, mais quel que soit le pays de réclamation, il convient de fournir les documents justificatifs du paiement de la retenue à la source (dividend vouchers). Pour cela l’assistance des dépositaires est essentielle afin que les justificatifs puissent appuyer les demandes de remboursement.
Diagnostic, Procédure, Coûts et refacturation des frais
Les sociétés de gestion devront bien sûr procéder à un diagnostic et déterminer pour quels fonds, dans quels pays et sur quelle période il convient de réclamer.
Les frais externes engagés par la société de gestion pour les réclamations de retenues à la source (frais d’avocat, coût d’obtention des documents nécessaires etc) pourront être refacturés à l’OPCVM si la société de gestion peut justifier des éléments du diagnostic et du seuil de matérialité. Ces coûts devront être considérés comme des frais exceptionnels engagés pour le recouvrement de créance (Instructions AMF 2011-19 et 2011-20, Annexe XIV, 19°).
Cette possibilité de refacturation longtemps incertaine, est maintenant acceptée par les professionnels et a été confirmé par l’Association Française de Gestion (AFG). L’AFG a par ailleurs souligné l’importance pour les sociétés de gestion française de réclamer les sommes trop perçues afin de protéger l’intérêt des porteurs de parts.
Il est donc temps pour les sociétés de gestion françaises de profiter de la jurisprudence favorable de la Cour de Justice de l’Union Européenne et d’en faire profiter leurs OPCVM.