Le Conseil d’État rappelle que l’Administration ne peut pas régulièrement se fonder sur le contenu des correspondances entre un avocat et son client, en l’absence d’accord de ce dernier, pour établir une imposition ou justifier un redressement. En revanche, le juge de l’impôt doit s’assurer que le redressement trouve bien son fondement dans ladite correspondance, et non dans d’autres renseignements dont l’Administration aurait, par ailleurs, eu connaissance.
Rappel
Les consultations adressées par un avocat à son client sont couvertes par le secret professionnel (article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971).
L’utilisation d’informations obtenues en violation du secret professionnel pour fonder un redressement fiscal est sanctionnée par l’irrégularité de la procédure et la décharge de l’imposition supplémentaire (CE, 17 juin 1998, n°156532, M. Chung).
Toutefois, seules les personnes dépositaires du secret professionnel y sont tenues. Ainsi, le client peut décider de lever le secret professionnel qui couvre les correspondances avec son avocat sans y être contraint.
Le Conseil d’État a ainsi jugé que lorsque le bénéficiaire du secret professionnel – c’est-à-dire le contribuable – remet lui-même au vérificateur le courrier qui lui a été adressé par son conseil, il ne peut pas ensuite en invoquer la violation (CE, 28 février 2007, n°283441, SARL Louvigny).
Dans ce cadre, il a récemment admis qu’un accord tacite à la levée du secret professionnel puisse être déduit du comportement du contribuable (CE (na), 9 décembre 2021, n°446366, Société d’économie mixte locale Paris Seine– contra, CE, 12 décembre 2018, n°414088).
L’histoire
Une société contestait les rectifications mises à sa charge à l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2010 à 2012, en faisant valoir qu’elles étaient fondées sur des correspondances échangées avec son avocat, obtenues par l’Administration à la suite de l’exercice de son droit de communication auprès de la Direction générale des douanes.
Les juges d’appel, après s’être assurés de ce que les correspondances litigieuses, couvertes par le secret professionnel, avaient effectivement été transmises sans l’accord de l’intéressée, ont conclu à l’irrégularité de la procédure et à la décharge des impositions litigieuses (CAA Versailles, 27 juin 2023, n°21VE00337).
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État ne conteste pas que les correspondances considérées étaient couvertes par le secret professionnel et avaient bien été transmises à l’Administration sans l’accord de l’intéressée. En revanche, il fait grief aux juges d’appel de n’avoir pas recherché si l’Administration s’était effectivement fondée sur ces éléments pour établir les impositions supplémentaires.
En particulier, la CAA de Versailles n’avait pas recherché si, ainsi que l’Administration le faisait valoir devant elle, les impositions litigieuses ne trouvaient pas leur fondement, non dans les correspondances entre l’avocat et son client, mais dans les renseignements transmis par les autorités fiscales belges, dans le cadre de la procédure d’assistance administrative prévue par la convention franco-belge.
Il casse donc la décision pour erreur de droit, et renvoie l’affaire pour jugement au fond.