La CAA de Nantes juge que la suppression de l’ISF constitue, pour le titulaire d’une créance de bouclier fiscal, un « événement motivant la réclamation », au sens de l’article R. 196-1, c du LPF, permettant la réouverture du délai de réclamation.
Eléments de contexte
Délai général de réclamation
En application de l’article R. 196-1 du LPF, le délai de réclamation du contribuable expire le 31 décembre de la 2e année suivant la mise en recouvrement de l’impôt, ou, à défaut, son versement, ou l’évènement motivant la réclamation – lequel est donc susceptible de rouvrir le délai de réclamation.
Ancien mécanisme du « bouclier fiscal »
Le mécanisme dit du « bouclier fiscal », qui permettait, en substance, à tout contribuable d’obtenir la restitution de la fraction de ses impôts directs excédant 50 % de ses revenus, a été supprimé en 2012 dans le cadre de la réforme de l’ISF.
Les redevables de l’ISF concernés ont, obligatoirement, dû imputer leur créance de « bouclier fiscal » sur leur cotisation d’ISF de 2012.
La loi prévoyait toutefois expressément que la fraction non imputée sur l’ISF 2012 pourrait être imputée exclusivement sur les cotisations d’ISF dues au titre des années suivantes.
Puis, en 2018, c’est l’ISF qui a été supprimé (et remplacé par l’IFI).
Aussi, dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration a indiqué que la restitution du reliquat de la créance de « bouclier fiscal » 2011 ou 2012 devenait de droit pour l’ensemble des contribuables encore titulaires d’une créance, dès lors que ces derniers n’étaient, de fait, plus redevables de l’ISF depuis le 1er janvier 2018, sous réserve de pouvoir justifier de l’existence et du montant du reliquat à cette même date.
Elle a donc invité les contribuables concernés à solliciter, au plus tard jusqu’au 31 décembre 2018, le remboursement de leur créance éventuelle (BOI-PAT-IFI-40-40 § 10 du 8 juin 2018).
L’histoire
Un contribuable titulaire d’une créance de « bouclier fiscal » 2012 n’a été en mesure d’en imputer le montant sur aucune de ses cotisations d’ISF, jusqu’à la suppression de cet impôt en 2018.
Par une réclamation datée du le 30 décembre 2020, il a demandé le remboursement de sa créance à l’Administration qui a rejeté la demande, la considérant comme tardive.
La décision de la CAA de Nantes
Souscrivant à l’argumentaire développé par le contribuable, la CAA de Nantes juge que la suppression de l’ISF au 1er janvier 2018 par la LF 2018 a rendu impossible l’imputation de la créance de bouclier fiscal détenue par les contribuables sur leur cotisation d’ISF.
Ainsi, cette loi a eu une incidence sur les modalités de restitution de la créance de bouclier fiscal détenue par le contribuable, et par conséquent sur le régime fiscal de cette créance.
La Cour en conclut que la suppression de l’ISF constitue dès lors un événement au sens de l’article R. 196-1, c, du LPF, de nature à ouvrir au contribuable un nouveau délai de réclamation, jusqu’au plus tard le 31 décembre de la 2e année suivant celle de la réalisation de l’événement qui motive la réclamation (ici jusqu’au 31 décembre 2020).
Aussi la réclamation présentée par le contribuable n’est pas considérée comme tardive.