Sociétés de personnes et bénéfice des dispositions conventionnelles

Le TA de Montreuil fait échec à la doctrine administrative, qui refuse le bénéfice des taux de retenue à la source conventionnels sur les revenus passifs de source française perçus par un non-résident par l’intermédiaire de sociétés de personnes étrangères lorsqu’il existe plus d’un niveau d’interposition.

Eléments de contexte

Les conventions fiscales traitent assez rarement de la question des sociétés de personnes. Si l’instrument multilatéral (MLI) comporte désormais des dispositions relatives aux entités transparentes (en son article 3), la France s’est réservé la possibilité de ne pas l’appliquer à ses conventions couvertes.

En l’absence de dispositions conventionnelles spécifiques, une société fiscalement transparente ne peut, en tant que telle, être considérée comme résidente d’un Etat contractant (puisqu’elle n’y est pas elle-même assujettie à l’impôt). Aussi ne peut-elle pas bénéficier des avantages conventionnels.

Le Conseil d’Etat, dans une décision Diebold Courtage (CE, 13 octobre 1999, n°191191, SA Diebold Courtage), a toutefois considéré qu’il convenait d’examiner si la convention fiscale pouvait s’appliquer aux associés de la société de personnes (cas de loyers français versés à une société de personnes néerlandaise, détenue par des sociétés de capitaux, elles-mêmes résidentes des Pays-Bas).

L’Administration en a tiré les conséquences, en indiquant que les taux de retenue à la source conventionnels sont applicables sur les revenus passifs de source française perçus par un non-résident par l’intermédiaire d’une société de personnes étrangère et au titre desquels la France dispose d’un droit d’imposer qui la lie à l’Etat de résidence de l’associé, sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions (BOI-INT-DG-20-20-20-10, 12 septembre 2012, § 80 pour les dividendes ; BOI-INT-DG-20-20-30, 12 août 2015, § 120 pour les intérêts et les redevances).

Il faut notamment que l’associé de la société de personnes étrangère transparente ne soit pas lui-même une société de personnes transparente. Autrement dit, l’Administration refuse le bénéfice des avantages conventionnels en cas de double interposition de sociétés de personnes étrangères.

L’histoire

Une GmbH & Co KG (société de personnes allemande), elle-même détenue par une autre GmbH & Co KG, dont les associés étaient des personnes physiques allemandes, a perçu des dividendes de source française en 2016, qui ont été soumis à la RAS de l’article 119 bis, 2 du CGI, au taux de 30 % alors applicable (il est aujourd’hui de 25 %).

La société de personnes allemande a alors sollicité, sur le fondement de la doctrine administrative précitée, le bénéfice du taux réduit prévu par la convention franco-allemande (15 %). L’Administration, considérant que l’une des conditions d’application n’était pas remplie (absence de double interposition de sociétés de personnes étrangères) a refusé de faire droit à sa demande.

Le litige a été porté devant le TA de Montreuil.

La décision du TA de Montreuil

Le TA de Montreuil se fonde d’abord sur la décision Diebold Courtage en ce qu’elle a dégagé l’existence d’une condition de bénéficiaire effectif « implicite » (la convention fiscale franco-allemande de 1959 étant antérieure à l’introduction de la notion de bénéficiaire effectif, en 1977, dans la convention modèle OCDE).

Il juge ensuite qu’au cas d’espèce, si la société de personnes allemande ne pouvait certes pas être regardée comme un résident au sens conventionnel, elle était indirectement détenue par 3 personnes physiques, résidentes d’Allemagne et bénéficiaires effectifs des dividendes litigieux.

Ces 3 personnes physiques produisaient, de surcroît, des attestations de résidence certifiées par les services fiscaux allemands.

Le TA de Montreuil en conclut que la société de personnes allemande pouvait, dans ces conditions, demander pour leur compte la restitution partielle de la retenue à la source acquittée en application du droit interne français, sans que l’Administration ne puisse lui opposer la condition tenant à l’absence de double interposition de sociétés de personnes étrangères prévue par sa doctrine.

La solution – qui mériterait d’être confirmée – nous semble donc remettre en cause cette doctrine administrative et avoir une portée plus large que pour l’application de la seule convention franco-allemande, mais plus généralement pour toutes celles qui ne prévoient aucune disposition particulière s’agissant des sociétés de personnes, soit la grande majorité des conventions fiscales conclues par la France.   

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.