Studialis SAS : le TA de Paris toujours à l’assaut des financements intragroupe

Dans sa décision du 16 janvier 2018 (TA Paris, 16 janvier 2018, n°1707553/1-2, SAS Studialis), le TA de Paris a confirmé son interprétation stricte des dispositions de l’article 212-I du Code Général des Impôts. Cette décision fait particulièrement écho à celle rendue en juillet 2017 par le même TA de Paris (TA Paris, 7 juillet 2017, n°1607683, WB Ambassador).

Au cas présent, l’administration fiscale a plafonné la déductibilité des intérêts versés afférents à une obligation émise en 2008 au taux de 10 % par la société requérante et souscrite par son actionnaire majoritaire dans le cadre d’un LBO. Pour justifier que ce taux était comparable à celui qu’elle aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants, la société a apporté plusieurs éléments de preuve :

  • Une offre de prêt émise par une banque en 2008 avec les mêmes caractéristiques « mezzanine » que l’obligation de la société
  • Une attestation d’une deuxième banque confirmant qu’elle a systématiquement été sollicitée pour chaque nouvelle émission d’obligation et que le taux qu’elle aurait escompté aurait varié entre 10 % et 12 %
  • Une analyse d’un cabinet d’expert démontrant que la dégradation de la situation financière de la société après 2008 ne permettait pas d’envisager une baisse de ces taux et que le taux d’intérêt devait être compris entre 8,32 % et 11,68 %
  • Une étude d’une troisième banque démontrant que, pour des financements similaires, le taux d’intérêt sur le marché européen serait systématiquement supérieur à 10 %

Ces arguments n’ont pas suffi à convaincre le TA de Paris qui considère que la société « n’apporte aucun élément établissant de manière certaine le taux dont aurait bénéficié la société auprès d’un établissement de crédit, ou organisme indépendant, tel que, notamment, une offre de prêt effective et contemporaine des opérations, prenant en compte ses caractéristiques propres ».

Ce jugement du TA de Paris doit être lu dans le prolongement de celui rendu dans le dossier de la société WB Ambassador, dans lequel le TA avait déjà retenu une interprétation stricte des moyens de preuve à présenter par le contribuable. A la lecture de ces deux décisions, il semble que seule une offre de prêt ferme contemporaine d’un établissement financier constitue une preuve acceptable pour le TA de Paris, alors qu’il s’agit d’une preuve très difficile, voire impossible, à fournir par le contribuable. Pourtant, le TA de Paris précise explicitement dans son jugement que le contribuable ne « saurait soutenir qu’une preuve impossible lui est réclamée ».

Cette décision renforce le flou ambiant sur ce sujet puisqu’elle vient directement contredire les décisions antérieures (CE, 19 juin 2017, n° 392543, Société Général Electric France; TA Montreuil, 30 mars 2017, n°1506904, Sté BSA). Espérons que les appels, pour ces deux affaires WB Ambassador et Studialis, permettront d’apporter les clarifications nécessaires et de limiter les ambitions que les services de contrôles fondent sur ces deux jugements récents.

 

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Eric Lesprit

Eric a plus de 25 ans d’expérience en matière de fiscalité internationale, notamment en matière de prix de transfert. Il a exercé différentes responsabilités au sein de la Direction Générale […]

Benjamin Conort

Benjamin Conort est Senior manager au sein de l’équipe Prix de Transfert de Deloitte Société d’Avocats. Benjamin est, entre autres, spécialisé dans l’analyse des transactions financières. Ses compétences recouvrent la […]