Le Conseil d’État, dans un arrêt daté du 5 février 2024, annule la récente doctrine administrative publiée au BOFiP, qui excluait les gains résultant de l’apport de titres souscrits en exercice de Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise (BSPCE) du mécanisme du sursis d’imposition prévu par l’article 150-0 B du CGI.
Pour rappel, les BSPCE sont des bons d’achat d’actions attribués gratuitement à des salariés et à certains mandataires sociaux de sociétés remplissant des conditions particulières (jeunes entreprises non cotées ou de petite capitalisation boursière). Les bénéficiaires de ces bons peuvent ainsi acheter à un prix décoté, fixé lors de leur attribution, des actions de la société pendant une période déterminée.
Le gain réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons est actuellement soumis à la flat taxe de 30 %, sous réserve du respect des conditions posées par l’article 163 bis G du CGI. L’absence de coût fiscal et social pour la société émettrice en fait, en outre, un mécanisme particulièrement attractif.
Dans un rescrit publié au BOFiP le 25 mai 2023, l’Administration a indiqué expressément que le gain résultant de l’apport de titres reçus en exercice des BSPCE ne pouvait pas bénéficier du mécanisme du sursis d’imposition prévu par l’article 150-0 B du CGI, et qu’il devait donc être imposé au titre de l’année de l’apport, selon les dispositions de l’article 163 bis G (BOI-RES-RSA-000127).
Elle indiquait, à cet égard, que si les dispositions de l’article 163 bis G du CGI renvoient à l’article 150-0 A du même code, ce renvoi avait, pour seul objet, de définir les modalités d’assiette applicables au gain résultant de la cession de titres souscrits en exercice de BSPCE, et qu’il ne pouvait être interprété comme un renvoi implicite à l’ensemble du régime des plus-values mobilières – et notamment à l’article 150-0 B relatif au sursis d’imposition.
Si nous avions salué la clarification apportée par l’Administration en ce qu’elle apportait aux contribuables une sécurité juridique, nous avions néanmoins regretté que l’Administration n’ait pas pris en compte les possibles difficultés de trésorerie liées au paiement de l’imposition sur le gain que pourrait connaître le contribuable lors de l’opération d’apport des titres, fait générateur de l’impôt et des prélèvements sociaux, ce qui nous semblait contradictoire avec l’esprit du BSPCE (lien vers notre article « Précision sur le régime d’imposition applicable au gain résultant de l’apport de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) »)
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État vient d’annuler ces commentaires administratifs
Se référant aux travaux préparatoires de la loi de finances pour 1998 (instaurant les dispositions de l’article 163 bis G) et de la loi de finances pour 2000 (réformant le régime de droit commun des plus-values de cessions de valeurs mobilières), le Conseil d’État juge que le législateur a entendu soumettre le gain net réalisé lors de la cession de titres souscrits en exercice de BSPCE au régime de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu aux articles 150-0 A et suivants du CGI, sous la seule réserve des règles particulières de taux qu’il édicte.
Il confirme ainsi qu’en cas d’apport à une société non contrôlée par l’apporteur de titres souscrits en exercice de tels bons, le gain résultant de cet apport n’est pas immédiatement taxable, mais bénéficie du sursis d’imposition prévu par l’article 150-0 B du CGI.
Plus généralement, il en résulte que le régime de droit commun des plus-values de cession de valeur mobilière devrait s’appliquer en toutes ses dispositions (sauf exclusions spécifiques prévues par la loi fiscale) aux gains de cessions de titres souscrits en exercice de BSPCE.
Ils devraient dès lors, notamment, être éligibles au mécanisme de report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI, applicable en cas d’apport à une société contrôlée.
Il faut se réjouir de cet arrêt du Conseil d’État, qui permet aux bénéficiaires de BSPCE de bénéficier du régime du sursis d’imposition de l’article 150-0 B du CGI, évitant ainsi tout problème de trésorerie en différant l’imposition sur le gain réalisé au titre de l’apport des titres.