Le 6 mars 2019, Bruno Le Maire a présenté en Conseil des ministres un projet de loi pour la taxation du numérique, qui sera examiné à l’Assemblée nationale dès le 8 avril prochain. Le cabinet Deloitte Société d’Avocats a réalisé pour la Computer & Communications Industry Association (CCIA) une étude ex ante de l’impact économique de ce projet de taxe.
Cette taxe, qui s’appliquera uniquement à la France, fait suite à l’échec de la mise en place d’une taxe similaire au niveau européen malgré près de 18 mois de négociations. Elle vise deux types d’activités :
- les plateformes numériques qui mettent en relation clients et producteurs, revendeurs ou fournisseurs de services
- le ciblage publicitaire (via une plateforme digitale) et la revente de données personnelles à des fins publicitaires
En pratique, et même si les contours de cette taxe doivent encore être revus et débattus à l’Assemblée nationale, elle s’appliquera aux entreprises générant un chiffre d’affaires taxable (i.e. chiffre d’affaires généré uniquement à travers les activités visées par la taxe) supérieur à 750M€ au niveau mondial et à 25M€ en France. Ainsi, dans le cas où une entreprise est au-dessus de ces seuils, une taxe de 3 % sera appliquée à son chiffre d’affaires taxable. Selon les premières estimations du Gouvernement, cette mesure devrait rapporter plus de 400M€ à l’Etat dès 2019 (et près de 500M€ en 2020).
Bruno Le Maire a indiqué dans une interview récente que cette taxe avait à la fois l’objectif de rétablir une forme d’équité fiscale entre les « Gafa » et les entreprises traditionnelles, et qu’elle s’inscrivait également dans le projet plus ambitieux d’influencer la réforme de la fiscalité du numérique qui est actuellement discuté à l’OCDE.
Cette étude qui a été réalisée purement sous l’angle économique se focalise sur trois aspects :
- L’incidence de la taxe : comment la taxe affectera-t-elle les prix des biens et des services en France et qui en supportera la charge in fine ?
- La répartition de la charge fiscale entre les agents économiques : comment la charge fiscale sera-t-elle répartie entre les contribuables, les entreprises françaises utilisant les plateformes numériques et les consommateurs ?
- L’efficacité de la taxe qui comprend deux sous-questions :
- Quel est le coût administratif total de cette taxe à la fois pour l’administration (coût de collecte et de contentieux) et pour les contribuables (coûts de conformité) ?
- Quelle distorsion va créer cette taxe dans l’économie française (par exemple, certaines entreprises seront favorisées par rapport à d’autres, les investissements ou l’emploi seront plus faibles qu’ils ne le seraient sans la taxe, moins de services numériques seront consommés par les ménages, etc.) ?
Les principales conclusions de l’étude sont exposées ci-dessous :
- Il est très probable que les entreprises assujetties à la taxe soient capables de la répercuter en aval et que ce soient les consommateurs ainsi que les entreprises utilisatrices de services numériques qui portent ultimement la charge fiscale. Plus précisément, nous avons estimé la répartition de la charge fiscale suivante :
- Consommateurs (55 %)
- Entreprises opérant sur les places de marché et achetant de la publicité numérique (40 %)
- Les entreprises visées par la Taxe Gafa (5 %)
- La mise en œuvre concrète de la taxe devrait soulever d’importantes difficultés d’application (et donc générer des coûts administratifs élevés), liées à certaines ambigüités du texte actuel :
- Le mode de calcul de la base taxable est actuellement très flou et repose sur des données non publiques et largement non stockées par les entreprises. La difficulté à obtenir les données nécessaires et à les auditer est susceptible de donner lieu à de coûteuses discussions entre les contribuables et l’Administrations ;
- Il existe d’importants risques de double taxation, en raison des modèles économiques numériques, qui sont encore accrus par la perspective de mise en œuvre d’une taxe « GAFA » par d’autres Etats.