Depuis quelques jours, des protestations émanant des organisations patronales s’élèvent de plus en plus vivement contre une taxe encore très peu connue avant le mois de septembre 2009, la taxe locale sur la publicité extérieure.
La création de ce nouvel impôt était passée inaperçue au moment du vote de la loi instituant la mesure. Aujourd’hui les débats sont bien plus vifs, cette taxe ayant commencé à être mise en recouvrement à compter de septembre dernier. Le problème est donc devenu économique et financier dans un contexte de reprise d’une très grande fragilité, de nombreuses entreprises sortant exsangues de la crise.
Ces discussions prennent un tour d’autant plus vif que la polémique autour de la nouvelle cotisation économique territoriale croît parmi les élus locaux. Elles opposent deux courants aux préoccupations extrêmement difficiles à concilier : d’une part l’exigence de soutien aux entreprises dans une conjoncture encore difficile et, d’autre part, la nécessité de sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent les finances locales, les collectivités territoriales ayant vu fondre une partie de leurs recettes fiscales avec la chute du marché de l’immobilier et l’effondrement subséquent des droits de mutations assis sur le prix de cession.
Il convient tout d’abord de rentrer un peu plus dans le détail d’une taxe encore peu connue dans ses principes et son mode de fonctionnement.
La taxe locale sur la publicité extérieure a été créée par l’article 171 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. L’objectif affiché par le législateur dans cette nouvelle loi est de lutter contre la « pollution visuelle ». Sa finalité apparente est donc claire.
La taxe locale sur la publicité extérieure est venue remplacer trois anciennes taxes locales :
- la taxe sur la publicité frappant les affiches, réclames et enseignes,
- la taxe sur les emplacements publicitaires
- et la taxe sur les véhicules publicitaires.
La taxe locale sur la publicité extérieure frappe les supports publicitaires fixes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique tels que les dispositifs publicitaires, les enseignes. Des exonérations sont prévues pour les dispositifs exclusivement dédiés à l’affichage de publicité non commerciale ou concernant des spectacles, ainsi que pour les enseignes dont la superficie est inférieure ou égale à 7m² sauf délibération contraire. Les supports taxés sont imposés en fonction de leur « superficie utile » par m² au 1er janvier de l’année d’imposition.
Il s’agit d’une taxe qui est affectée au budget des communes. Les communes ont la possibilité –mais non l’obligation-, par délibération de leur conseil municipal réalisée avant le 1er juillet de l’année qui précède celle de l’imposition, d’instaurer cette taxe dans les limites de leur territoire et dans les conditions fixées. Si la commune taxait déjà la publicité extérieure au titre des taxes locales de publicité avant le 1er janvier 2009, la TLPE se substitue automatiquement aux anciennes taxes, sauf décision contraire au cours de la délibération.
Sur le plan national a été mis en place un tarif prévoyant des taux différents notamment selon la taille de la collectivité. Le tarif de droit commun s’applique dès 2009 pour les communes qui instituent la nouvelle taxe alors qu’elles ne percevaient aucune des anciennes taxes locales de publicité en 2008. Ils serviront de « tarifs cibles 2013 » pour les communes qui percevaient en 2008 l’une des anciennes taxes sur la publicité.
Par ailleurs, des tarifs différents de ceux du droit commun peuvent être appliqués par la commune s’ils sont décidés au cours d’une délibération avant le 1er juillet de l’année précédant l’imposition. Ainsi, une minoration peut être appliquée par la commune à tout ou partie des supports, sans qu’une limitation soit fixée –le tarif nul n’étant pas envisageable-. Une majoration ne peut en revanche pas dépasser un montant plafond, et ne peut être mise en œuvre que par certaines collectivités qui doivent délibérer expressément.
Les textes prévoient que la taxe est acquittée par l’exploitant du dispositif ou, à défaut, par le propriétaire ou, à défaut, par celui dans l’intérêt duquel le dispositif a été réalisé.
Un redevable qui ne respecte pas ses obligations au regard de la taxe locale sur la publicité extérieure peut faire l’objet d’une taxation d’office décidée par le Maire de la commune concernée. Des sanctions pénales sont également prévues, mais inapplicables à ce jour par défaut de décret d’application. Les collectivités territoriales sont admises à recourir aux agents de la force publique afin d’assurer le contrôle de la taxe et pour constater les contraventions des redevables.
Si la plupart des acteurs économiques s’accordent sur la nécessité d’une taxe visant les dispositifs publicitaires extérieurs, afin de limiter l’accumulation de panneaux, enseignes, et autres inscriptions tapageuses dans les villes, nombre d’entre eux dénoncent l’extension de la taxation engendrée par l’instauration de la taxe locale sur la publicité extérieure.
Les estimations chiffrées varient encore énormément mais certaines collectivités attendent de cette taxe une augmentation sensible de leurs ressources. C’est qu’en réalité, deux objectifs sont en effet attendus de cette nouvelle taxe : un objectif « pigouvien » 1 de lutte contre la « pollution visuelle » et un objectif financier d’amélioration de la situation budgétaire des communes.
On sait que la multiplicité des objectifs assignés à un impôt incitent les économistes à considérer qu’il s’agit là de la marque des impôts qui ne parviennent que très mal à exaucer les vœux de leurs créateurs et qui pâtissent d’une inefficacité chronique et structurelle. Comme l’a posé l’économiste Tinberghen, il est préférable que, pour être efficace, un impôt n’ait qu’un seul objectif.
Mais l’essentiel n’est peut-être pas encore là.
La taxe locale de publicité extérieure constitue en effet avant tout une preuve supplémentaire de la crise que traverse le système fiscal local.
Ces débats sont la marque que la France ne parvient toujours pas à régler le problème du financement de ses collectivités territoriales par un système clair et compris de tous qui ne pénaliserait pas l’activité économique.
En effet, parce qu’elle reste pour l’heure complexe et mal comprise, la fiscalité locale française est très mal acceptée par les contribuables. L’obscurité des bases, des modes de calcul, le foisonnement des impôts locaux les rend peu compréhensibles. Cette incompréhension a une conséquence, le délitement du consentement à l’impôt local. Ce délitement du consentement a un effet, le développement du contentieux, qui entraîne à son tour une augmentation du coût de gestion de ces impôts. Pour ne donner qu’un exemple, le coût de gestion de la taxe d’habitation représente aujourd’hui plus de 4% du produit de sa collecte. Comme on le disait de l’Empire Ottoman avant 1914, la fiscalité directe locale est aujourd’hui devenue « l’homme malade du système fiscal français ».
La taxe locale sur la publicité extérieure ne vient pas améliorer cette situation, bien au contraire. Le nombre et le succès des pétitions qui circulent contre cette taxe ne peuvent qu’inciter à penser le contraire.
Aujourd’hui ces protestations coïncident avec deux autres frondes en matière de finances locales, celle des Sénateurs contre la cotisation économique territoriale, et celle des élus locaux contre la réforme territoriale. Ce contexte présente toutefois un avantage certain : il braque les projecteurs de l’actualité sur la fiscalité locale qui ne suscitait jusqu’alors que les commentaires, les critiques et quelquefois l’enthousiasme des spécialistes. Cet avantage, si les pouvoirs publics savent en tirer profit, c’est l’opportunité d’engager devant l’opinion publique pour la première fois depuis longtemps le débat sur une réforme générale et profonde de la fiscalité locale permettant une remise à plat du financement des collectivités territoriales.