La CJUE vient de juger que les prestations de services fournies par un siège établi dans un pays tiers (les Etats Unis) à sa succursale établie dans un Etat membre de l’UE (La Suède) constituent des opérations imposables lorsque cette dernière est membre d’un groupement TVA. Dans cette hypothèse, le groupement est redevable de la TVA (mécanisme de l’autoliquidation).
Par cet arrêt, la Cour vient apporter une exception importante au principe de non-imposition des flux siège-succursale.
Rappelons les faits. La société américaine Skandia America Corporation (‘Skandia US’) assumait au niveau mondial la fonction d’achats des services informatiques du groupe Skandia. Ces services étaient acquis à l’extérieur puis redistribués à diverses sociétés ou succursales du groupe, dont la succursale suédoise de Skandia US, Skandia Sverige. Cette dernière était membre d’un groupement TVA en Suède. Son activité consistait à transformer les services informatiques reçus de Skandia US en produits finis, lesquels étaient ensuite fournis à diverses sociétés du groupe, membres et non-membres du groupement TVA. Un mark-up de 5% était ajouté au prix à chaque fourniture de services, que ce soit entre Skandia US et sa succursale Skandia Sverige qu’entre cette dernière et les autres sociétés du groupe.
En juxtaposant le principe de non-imposition des flux siège-succursale (FCE Bank) et de non-taxation des flux internes à un groupement TVA (Directive 2006/112/CE, art. 11), les services étaient in fine consommés sans charge de TVA, ce qui étaient particulièrement intéressant pour des utilisateurs non-récupérateurs de TVA.
Au terme de l’analyse menée par le juge (point 29 de l’arrêt), les services fournis par Skandia US à sa succursale ne sauraient être considérés comme étant fournis à celle-ci mais comme étant fournis au groupement TVA, lequel est redevable de la TVA suédoise en application de l’article 196 de la Directive précitée. En d’autres termes, la Cour conclut à la taxation du flux n°2 du schéma ci-dessus. A cet égard, on observera que la CJUE considère implicitement que la succursale fait partie du groupement TVA indépendamment de son siège.
Cet arrêt est susceptible d’avoir des conséquences importantes notamment dans le secteur financier dans la mesure où celui-ci impacte potentiellement l’ensemble des flux siège – succursale (ou succursale – succursale).
Parmi les questions soulevées, figurent notamment la question de l’entrée en vigueur effective de cette nouvelle analyse, compte tenu du caractère normalement rétroactif de la jurisprudence.
Une autre question est celle des conséquences de cet arrêt dans les pays, ayant ou non instauré une législation de groupement TVA, s’agissant de la détermination des droits à déduction de la TVA grevant les dépenses encourues pour rendre des services cross-border à une succursale membre d’un groupement de TVA étranger. On peut imaginer des conséquences au niveau du calcul du coefficient de taxation (ancien prorata) ou même au niveau du rapport de taxe sur les salaires. Ces conséquences, selon la nature des flux, pourront être positives ou négatives.
Une autre question encore est celle de la taxation dans le pays d’arrivée lorsque le flux est chargé par le groupement TVA étranger.
Cet arrêt est donc l’occasion pour les entreprises présentes en France, disposant, par ailleurs, de succursales étrangères ou d’un siège faisant partie d’un groupement TVA étranger, d’examiner les conséquences pratiques résultant de cette nouvelle analyse afin de mener les actions qui s’imposent.