Sous l’égide du Ministère de la Justice, l’AGS et le Conseil National des Administrateurs Judiciaires et des Mandataires Judiciaires (CNAJMJ) ont signé le 25 juin 2024 un « Pacte d’avenir au service des entreprises en difficulté ». L’objectif poursuivi est de restaurer le lien de confiance entre eux, de clarifier le cadre d’intervention de chacun, au service des entreprises en difficulté et de leurs salariés, et de fluidifier les échanges.
Des relations dégradées depuis 2019
L’Association pour la Gestion du régime de Garantie des créances des Salariés (AGS), créée par la loi n°73-1194 du 27 décembre 1973, est un fonds de solidarité interentreprises, financé par une cotisation patronale et garantissant le paiement des salaires en cas d’ouverture d’une procédure collective de l’employeur, afin de pallier la défaillance de ce dernier. À la demande du mandataire judiciaire, ou du liquidateur judiciaire le cas échéant, désigné dans le cadre de la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, l’AGS fait l’avance des sommes dues aux salariés pour permettre un paiement rapide, et est ensuite subrogée dans les droits de ces derniers pour en obtenir le remboursement dans le cadre de la procédure. Sur l’année 2023, l’AGS est intervenue dans 23 600 affaires et a versé 1,7 mds€ répartis entre 213 226 salariés. Cette institution de garantie joue le rôle d’amortisseur social, au cœur de la philosophie du traitement des difficultés des entreprises en France.
En 2019, dans un contexte de difficultés financières, les relations entre, d’une part, l’AGS et, d’autre part, les mandataires judiciaires se sont tendues, avec pour conséquence d’importants retards dans les versements aux salariés bénéficiaires des avances et, réciproquement, dans les restitutions que les mandataires judiciaires devaient effectuer au bénéfice de l’AGS. La dégradation de leurs relations a mené à un système d’indemnisation moins fluide et sécurisant pour les entreprises en difficulté et leurs salariés.
Les sujets de désaccord ont été portées devant les tribunaux, et la Cour de cassation a notamment été amenée à indiquer les points suivants dans deux affaires :
L’obligation de justification préalable, par le mandataire judiciaire, de l’insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu’en cas de sauvegarde
Cour de cassation, chambre commerciale, 7 juillet 2023, n° 22-17.902, publié au Rapport Annuel
La seule transmission des relevés de créances salariés suffit pour obtenir le déblocage des sommes dues aux salariés en redressement ou liquidation judiciaire, sans qu’il soit nécessaire de vérifier au préalable que le débiteur ne dispose pas des fonds nécessaires.
Transmission du « superprivilège » des salariés à l’AGS
Cour de cassation, chambre commerciale, 17 janvier 2024, n° 22-19.451, publié au Rapport Annuel
La subrogation dont bénéficient les institutions de garantie les investit de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir. Le « superprivilège » garantissant le paiement de leurs créances n’est pas exclusivement attaché à la personne des salariés. Il est transmis à l’AGS, qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement opéré sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective, indépendamment du classement des différentes créances sujettes à admission.
Un Pacte pour restaurer la confiance
Le 25 juin 2024, l’AGS et le CNAJMJ ont signé un « Pacte d’avenir au service des entreprises en difficulté » avec des objectifs à court et moyen termes.
À court terme, AGS et mandataires judiciaires se sont attachés à fluidifier les flux financiers et se sont engagés à faire leurs meilleurs efforts pour permettre le déblocage dans les meilleurs délais des flux au bénéfice des salariés, objectif premier de l’institution de garantie, et des restitutions opérées par les mandataires judiciaires au profit de l’AGS.
À cet égard, l’AGS a pris l’engagement, en période d’observation, de privilégier le redressement de l’entreprise en s’abstenant d’exiger le remboursement de ses créances superprivilégiées sur les premières rentrées de fonds.
Dans le même temps, les mandataires judiciaires ont, quant à eux, pris l’engagement de rembourser les avances superprivilégiées de l’AGS en période d’observation, si la trésorerie de l’entreprise le permet sans nuire à son redressement.
À moyen terme, le Pacte détaille plusieurs thèmes de réflexion devant donner lieu à de premières propositions communes d’ici la fin de l’année :
- Optimiser l’intervention de chaque acteur dans les différents stades des procédures collectives.
- Explorer de nouveaux domaines d’interventions croisées pour favoriser la résolution amiable des contentieux et lutter contre les fraudes.
- Accroitre les exigences communes en termes de partage d’information sur les interventions au service des entreprises en difficulté et de leurs salariés avec pour objectif de préserver l’emploi.
- Engager une approche coordonnée dans la modernisation des systèmes d’information des différentes parties et mettre en place des mécanismes d’amélioration continue des processus de gestion.
- Renforcer, vis-à-vis des entreprises et de leurs salariés, la lisibilité du système français d’accompagnement des défaillances d’entreprise, en s’attachant à analyser son efficacité.
La conclusion de ce Pacte est, ainsi, bienvenue. Il permettra de faire en sorte que ces deux acteurs clés du système français de traitement des difficultés des entreprises puissent à nouveau travailler ensemble efficacement, tant au service des débiteurs que de leurs salariés.
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