Le TA de Montreuil juge que les titres d’une société française – dont l’actif est constitué principalement, mais indirectement seulement, de biens immobiliers – ne peuvent être, pour l’application de la convention franco-néerlandaise, assimilés à des biens immobiliers.
Rappel
Sous réserve de l’application des conventions fiscales internationales, les plus-values immobilières de source française réalisées à titre occasionnel par des non-résidents sont soumises au prélèvement de l’article 244 bis A du CGI (au taux de 25 % lorsque le cédant est une personne morale).
Ce prélèvement frappe non seulement les cessions d’immeubles situés en France, mais également les cessions de parts ou d’actions de sociétés à prépondérance immobilière, c’est-à-dire celles dont l’actif est principalement constitué, directement ou indirectement, d’immeubles situés en France ou de droits relatifs à ces immeubles.
L’affaire
En 2019, une société néerlandaise a cédé l’intégralité du capital social d’une société française dont l’actif était pratiquement intégralement constitué des parts d’une SNC exerçant une activité de location de terrains et biens immobiliers et détenant un ensemble immobilier situé en France.
L’Administration a soumis la plus-value ainsi réalisée au prélèvement prévu par l’article 244 bis A du CGI, ce que la société cédante a contesté sur le terrain de la convention franco-néerlandaise.
La décision du TA de Montreuil
Par application de ce principe, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une convention bilatérale, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie, et ensuite seulement, dans l’affirmative, de déterminer si cette convention fait, ou non, obstacle à l’application de la loi fiscale.
Le Tribunal rappelle, en 1er lieu, le principe de subsidiarité des conventions fiscales (CE, 19 décembre 1975, n°84774 et 91895 ; CE, 17 mars 1993, n°85894, Memmi ; CE, 28 juin 2002, n°232276, Sté Schneider Electric).
Sur l’application de l’article 244 bis A du CGI
Au cas d’espèce, le TA de Montreuil relève que l’actif de la société cédée était principalement constitué indirectement de biens immobiliers situés en France, de sorte que la plus-value litigieuse relevait bien, au regard du droit interne, du prélèvement de l’article 244 bis A, qui assimile à des biens immobiliers les actions cédées par la société requérante. Il est à noter que le terme « assimile » est discutable, dans la mesure où, si les dispositions de l’article 244 bis A prévoient le même régime de taxation des plus-values pour les biens immobiliers et titres de sociétés à prépondérance immobilière, il n’assimile pas pour autant les uns aux autres.
Sur l’application de la convention franco-néerlandaise
Précisons d’entrée de jeu que l’analyse menée par le TA de Montreuil porte sur la version de la convention franco-néerlandaise dans sa rédaction antérieure à sa version consolidée modifiée par le MLI (applicable, pour l’essentiel, depuis le 1er janvier 2020), mais devrait conserver sa portée aujourd’hui.
Conformément à la convention modèle OCDE, l’article 13§1 de la convention franco-néerlandaise prévoit, en 1er lieu, que les gains provenant de l’aliénation de biens immobiliers sont imposables dans l’Etat où ces biens sont situés.
Là encore, conformément au modèle OCDE, la convention franco-néerlandaise définit l’expression « biens immobiliers » par référence au droit de l’Etat de situation des biens (art. 6§2).
Mais, en son article 13§1, elle indiquait également expressément que « les gains provenant de l’aliénation de parts ou de droits analogues dans une société dont l’actif est composé principalement de biens immobiliers » sont imposables dans l’Etat où ces biens sont situés.
Se posait donc, en substance, la question de l’articulation de ces dispositions conventionnelles avec celles de l’article 244 bis A du CGI.
Le TA de Montreuil juge que les dispositions de l’article 13 de la convention franco-néerlandaise doivent être regardées comme prévoyant 2 hypothèses d’aliénations, qui concernent nécessairement des biens distincts, à savoir :
- les biens immobiliers (pour la définition desquels il est renvoyé à l’Etat de situation des biens) ;
- et les parts de sociétés à prépondérance immobilière, pour lesquelles l’article 13 de la convention prévoit une définition autonome.
Il refuse ensuite de se livrer à une appréciation extensive de cette définition, et juge qu’elle recouvre, à la lettre de la convention, les seules parts de sociétés dont l’actif est directement constitué de biens immobiliers, en l’absence de toute précision sur le caractère indirect de la détention de biens immobiliers par la société (dans le même sens, voir TA Montreuil, 7 mai 2025, n°2301787, Sté Villiot HoldCo B.V.).
Il en conclut, dès lors, que la plus-value litigieuse relève de la clause-balai de l’article 13§4, laquelle confère le droit d’imposer à l’Etat de résidence du cédant.
Pour favorable qu’elle soit, soulignons que cette solution se justifie par les éléments suivants :
- La convention franco-néerlandaise dans sa rédaction alors en vigueur comportait des dispositions spécifiques aux cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière (nb. Rédaction similaire dans la convention conclue avec le Brésil) ;
- Elle a été conclue en 1973, soit bien avant l’introduction dans la convention modèle OCDE, de dispositions spécifiques aux gains provenant de l’aliénation des actions, droits ou participations similaires qui tirent directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur de biens immobiliers (art. 13§4). D’ailleurs, le TA de Montreuil fonde expressément sa décision sur une lecture des commentaires OCDE sur la convention modèle dans ses versions de 1977 et 2000.
Il nous semble que la même solution devrait résulter de la version consolidée avec le MLI de la convention franco-néerlandaise, dès lors qu’une réserve a été formulée par les Pays-Bas sur l’application de l’article 9§4 du MLI, lequel fait expressément référence aux droits ou participations tirant directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur de biens immobiliers.
Cette décision donne un éclairage intéressant par rapport à l’affaire Baartmans (CE, 24 février 2020, n°436392) rendue dans le contexte de la convention franco-belge. Elle confirme selon nous la portée limitée de la décision Baartmans aux seules conventions fiscales n’incluant pas d’article sur les gains en capital ni de définition de sociétés à prépondérance immobilière. D’ailleurs, la rapporteure publique Karine Cialvadini avait souligné dans l’affaire Baartmans que la plupart des conventions fiscales récentes, inspirées du modèle OCDE, comportaient un article sur les gains en capital, visant de manière distincte les biens immobiliers et les titres de sociétés à prépondérance immobilière à la différence de la convention franco-belge.
L’occasion de rappeler, une nouvelle fois, que la qualification, au regard des conventions fiscales, des plus-values de cessions de parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière, est toujours délicate et suppose de procéder à un examen attentif des dispositions conventionnelles.
Pour l’heure, nous n’avons pas connaissance d’un appel sur cette décision.
TA Montreuil, 19 juin 2025 n°2402051