La CAA de Versailles se prononce pour la 1re fois, nous semble-t-il, sur l’articulation des différents mécanismes d’imputation des déficits au sein d’un groupe intégré.
L’histoire
La société mère d’un groupe intégré constituée d’elle-même et de 2 de ses filiales a été absorbée par une autre de ses filiales en 2012.
Cette dernière a immédiatement constitué un nouveau groupe d’intégration fiscale avec la société absorbée et ses 2 filiales (par application des dispositions de l’article 223 L, 6, c, permettant de former « rétroactivement » un groupe intégré dès l’exercice d’absorption).
Dans ce contexte, elle a sollicité 2 agréments auprès de l’Administration, aux fins de se voir transférer :
- Les déficits « propres », c’est-à-dire antérieurs à l’intégration, de l’ancienne société mère (CGI, art. 209, II – transfert sur agrément des déficits de l’absorbée à l’absorbante)
- Les déficits d’ensemble du groupe cessant, afin de les imputer sur une base élargie (CGI, art. 223, I, 6). Pour mémoire, le mécanisme d’imputation sur une base élargie permet à la société absorbante, lorsqu’elle crée un nouveau groupe fiscal, comprenant tout ou partie des filiales membres du groupe constitué par la société absorbée, de bénéficier du transfert du solde du déficit d’ensemble du groupe cessant, subsistant après imputation sur les réintégrations de sortie. Ce déficit peut ensuite être imputé sur les bénéfices de la société absorbante, ainsi que sur les résultats des sociétés du groupe dissous qui font partie du nouveau groupe.
Au titre du 2e exercice d’intégration, la nouvelle tête de groupe a demandé l’imputation dans cet ordre :
- des déficits propres de l’ancienne société mère et d’une de ses filiales antérieurs à leur entrée dans la nouvelle intégration
- des déficits d’ensemble du groupe ayant cessé, imputables sur une base élargie (i.e sur les résultats de 3 sociétés)
- du déficit d’ensemble généré par le nouveau groupe d’intégration en 2012, sur le résultat d’ensemble (CGI, art. 223 C).
La décision de la CAA de Versailles
La CAA de Versailles confirme la solution favorable retenue par les juges de 1re instance (TA Montreuil, 19 avril 2018, n°1703586), s’agissant tant de la faculté de cumuler le bénéfice des différents mécanismes d’imputation, que des modalités d’appréciation du plafond d’imputation des déficits en pareille hypothèse.
Possible cumul des mécanismes d’imputation des déficits en intégration fiscale
La Cour juge que les sociétés d’un groupe intégré peuvent bénéficier cumulativement des mécanismes d’imputation de déficits propres antérieurs à l’intégration, de déficits sur une base élargie, et du déficit d’ensemble.
Notons que dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration semblait déjà reconnaître la faculté pour la société absorbante de solliciter à la fois l’agrément prévu par l’article 209, II du CGI et l’agrément spécifique permettant le transfert du déficit d’ensemble sur une base élargie (BOI-SJ-AGR-20-30-10-20, § 1 à 20 du 27 novembre 2012).
Application du plafond d’imputation des déficits
On rappelle que le déficit constaté au titre d’un exercice ne peut être déduit du bénéfice de l’exercice suivant que dans la limite d’un montant de 1 m€, majoré de 50 % de la fraction du bénéfice qui excède cette limite. La question de l’application de ce plafond en présence de plusieurs mécanismes d’imputation de déficits pouvait donc légitimement se poser.
La CAA juge que ce plafond doit s’appliquer pour chaque mécanisme d’imputation de déficit, et ne constitue pas un plafond unique qui viendrait limiter la somme des déficits imputables.
Notons que le TA de Montreuil indiquait, en outre, que lorsqu’un mécanisme d’imputation de déficit a été appliqué, le montant de bénéfice imposable à retenir pour le calcul du plafond d’imputation doit être minoré des montants de déficit préalablement imputés (précision non reprise par la CAA).
- Voir CAA Versailles, 11 février 2021, n°18VE02536