Rejet du pourvoi formé par l’Administration contre la décision de la CAA de Nancy qui avait jugé irrégulière, pour l’application de l’amendement Charasse, la minoration du montant de l’augmentation de capital déductible du prix d’acquisition de la société cible par imputation d’une part de l’emprunt souscrit concomitamment par le cessionnaire.
Pour rappel, l’amendement Charasse est un dispositif qui limite la déductibilité des charges financières en cas d’acquisition à titre onéreux, par une société membre d’une intégration fiscale des titres d’une société qui devient membre de la même intégration fiscale et que cette acquisition a été effectuée auprès de l’actionnaire, personne physique ou morale, qui contrôle le groupe, indépendamment du mode de financement de l’opération (CGI, art. 223 B, al. 6).
Lors d’une augmentation du capital, réalisée simultanément à l’acquisition des titres, le prix d’acquisition à retenir pour le calcul des charges financières à réintégrer est réduit du montant des fonds apportés à la société cessionnaire, sous réserve que ces fonds soient apportés à la société cessionnaire par une personne autre qu’une société membre du groupe fiscal ou, s’ils sont apportés par une société du groupe fiscal, qu’ils ne proviennent pas de crédits consentis par une personne non-membre de ce groupe.
Rappel de la position de la CAA de Nancy
La CAA de Nancy a considéré que si l’Administration pouvait limiter le montant de l’augmentation de capital déductible à proportion de la part que le prix d’acquisition des 2 sociétés membres du groupe intégré avait représenté dans le prix total d’acquisition des 4 sociétés acquises (2 françaises et 2 étrangères), elle ne pouvait en revanche pas le faire en minorant le montant de l’augmentation de capital d’une part de l’emprunt souscrit, y compris dans l’hypothèse où le prêt aurait participé à l’acquisition des 2 sociétés membres du groupe fiscal (CAA de Nancy, 18 juin 2020, n°18NC03443, SAS A. Schulman Holdings France).
Décision
Le Conseil d’État vient de juger le pourvoi non admissible en rejetant l’intégralité des moyens de l’Administration, à savoir que la CAA de Nancy :
- Aurait méconnu les dispositions du 6e alinéa de l’article 223 B du CGI en limitant son application aux seules charges d’emprunt directement rattachables à l’acquisition des filiales intégrées ;
- Aurait dénaturé les faits estimant que l’emprunt souscrit par la société était exclusivement consacré à l’acquisition des titres d’une des 2 sociétés étrangères
- Aurait méconnu le champ d’application du 6e alinéa de l’article 223 B du CGI en déduisant de cette affectation exclusive que l’emprunt ne pouvait être pris en compte pour déterminer le prix d’acquisition des 2 sociétés françaises faisant partie du groupe fiscal intégré
- Aurait méconnu son office et entaché son arrêt de contraction de motifs en accordant la décharge des suppléments d’impôt au seul motif que la méthode de calcul retenue par l’Administration pour déterminer le montant des charges financières à réintégrer au résultat imposable était erronée
L’avis du praticien : Christophe Le Bon
Si l’issue du litige est sans surprise, la décision du Conseil État d’y répondre en rejetant le pourvoi d’admission de l’Administration est surprenante. D’abord, parce que ce type de décision en défaveur de l’Administration est, à notre connaissance, très rare. Ensuite, et surtout, parce que le sujet n’avait pas encore été jugé et faisait potentiellement débat puisque le TA et la CAA avaient retenu des positions contraires (position qui, s’agissant de celle de la CAA, aurait mérité d’être clarifiée).
- Voir l’arrêt CE du 7 octobre 2021, n°442325