Le Conseil d’État juge que le mécanisme de restitution temporaire de retenue à la source en faveur des sociétés déficitaires instauré par la LF 2020 a également vocation à s’appliquer en présence d’un résultat fiscal nul.
Rappel
Pour mémoire, la LF 2020 a instauré, depuis le 1er janvier 2020, un mécanisme permettant à certaines sociétés étrangères déficitaires de bénéficier d’une restitution temporaire de RAS (ou de prélèvement), résultant de l’application des articles 119 bis, 182 A bis, 182 B, 244 bis, 244 bis A et 244 bis B du CGI. Ce dispositif a ensuite été aménagé, à la marge, par la LF 2022.
L’Administration a publié ses commentaires au BOFiP le 29 juin 2022.
L’histoire
Une société a contesté en août 2022, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, les commentaires apportés par l’Administration sur l’appréciation du résultat fiscal déficitaire de la société étrangère aux fins de l’application du mécanisme de restitution.
L’Administration y indique – conformément en cela aux dispositions de l’article 235 quater du CGI – que « le résultat fiscal de l’entité non-résidente doit être déficitaire au titre de l’exercice au cours duquel les revenus et profits de source française sont perçus ».
Elle souligne également (toujours en ligne avec la lettre du texte) que « le résultat déficitaire s’entend de celui calculé selon les règles fiscales applicables dans l’État ou le territoire où est situé le siège de l’établissement stable » (BOI-RPPM-RCM-30-30-10-90, n°30).
L’argument de la société tenait à ce que, en faisant exclusivement référence à un résultat fiscal « déficitaire », l’Administration s’opposerait implicitement à ce qu’une société dont le résultat fiscal se trouve être seulement nul, par exemple après imputation de pertes fiscales antérieures, puisse bénéficier du mécanisme de restitution.
Pour la société, une telle limitation du dispositif serait contraire à la liberté de circulation des capitaux.
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État refuse de faire droit à la demande d’annulation du BOFiP contesté, mais après en avoir fait une interprétation constructive.
Il indique ainsi que le résultat fiscal de la société étrangère « est déterminé en tenant compte des revenus et profits ayant supporté une retenue ou un prélèvement à la source, que la législation du pays dans lequel cette société est établie inclue ou non ces revenus ou profits dans l’assiette de l’impôt, à hauteur des seuls montants dont l’intégration conduit à constater chez cette société un résultat négatif ou nul, après déduction d’éventuels déficits antérieurs effectivement imputés si la législation du pays l’autorise et après prise en compte des éventuels revenus ou profits ayant ouvert droit, au cours de la même période de report d’imposition, à une restitution de retenue ou de prélèvement à la source au titre d’exercices antérieurs ».
Aussi en conclut-il qu’une société non-résidente dont le résultat ainsi déterminé est négatif ou nul est fondée à demander la restitution de la retenue ou du prélèvement à la source à concurrence des sommes retenues ou prélevées sur les revenus ou profits devant être réintégrés.