Dans le cadre d’une affaire relative à la législation hongroise en matière de scissions partielles, la CJUE fait une application positive de sa jurisprudence « Leur-Bloem » et rappelle que le régime de neutralité fiscale garanti par la directive « Fusions » ne saurait être subordonné à des conditions non prévues par ce texte.
L’histoire (en bref)
Dans le cadre d’une opération de scission partielle purement nationale impliquant exclusivement des sociétés de droit hongrois, l’administration fiscale hongroise a refusé l’application du sursis d’imposition à la plus-value réalisée à cette occasion.
Elle se fondait, à cet égard, sur la législation hongroise, qui subordonne notamment l’application du régime de faveur aux opérations de scissions partielles à des conditions tenant à la diminution de la participation de l’associé de la société apporteuse dans cette société ou à la réduction du capital social de celle-ci.
Le litige a été porté devant les juridictions hongroises, avant de donner lieu à une demande de décision préjudicielle auprès de la CJUE.
La décision de la CJUE
Sur la portée de la directive « Fusions » au regard des opérations de restructuration internes
La CJUE fait application des principes dégagés dans sa décision « Leur-Bloem » (17 juillet 1997, aff. 28/95).
Dans cette décision, elle a indiqué être compétente pour interpréter les dispositions de la directive « Fusions », bien qu’elle ne régisse pas directement la situation en cause (opération de restructuration purement nationale – au cas d’espèce, fusion entre 2 sociétés néerlandaises), dès lors que le législateur a décidé, lors de sa transposition en droit interne, d’appliquer le même traitement aux situations purement nationale et à celles régies par la directive.
En l’espèce, lorsqu’il a transposé la directive « Fusions », le législateur hongrois n’a pas fait de distinction entre le traitement fiscal des opérations de scission partielle intervenant dans un contexte purement national et le traitement fiscal de telles opérations lorsqu’elles impliquent des sociétés d’Etats membres différents.
Aussi, la CJUE considère-t-elle être compétente pour interpréter les dispositions de la directive « Fusions » dans le cadre du litige qui lui est soumis.
Rappelons que le Conseil d’Etat a repris à son compte les principes dégagés par la CJUE dans la décision « Leur-Bloem » et accepte d’interpréter les dispositions de droit interne à la lumière des directives européennes (« interprétation neutralisante ») à la triple condition que :
- La loi nationale soit prise pour la transposition de la directive invoquée
- Le législateur n’ait pas entendu introduire un traitement différent pour les opérations purement internes visées par cette loi (CE, 17 juin 2011, n°324392, SARL Méditerranée automobiles et n°314667, Finparco)
- Le texte de droit interne laisse au juge une marge d’interprétation (CE, 30 janvier 2013, n°346683, Sté Ambulances de France), c’est-à-dire que le texte français ne soit pas totalement contraire à la directive.
Sur la prohibition des conditions non prévues par la directive
La CJUE rappelle qu’aucune disposition de la directive « Fusions » ne subordonne l’application du régime de neutralité fiscale à la diminution de la valeur nominale ou du pourcentage de participation de l’associé de la société apporteuse dans cette dernière société (ce qui reviendrait à exclure l’application de ce régime dans le cas où la société apporteuse serait détenue par un associé unique), ou à la condition que l’opération de scission partielle se traduise par une réduction du capital social de celle-ci plutôt que par une diminution de ses bénéfices réservés.
L’article 8§5 de la directive 2009/133 impose seulement à l’associé de la société apporteuse de ne pas attribuer à la somme des titres (titres reçus + titres détenus) dans la société apporteuse une valeur fiscale supérieure à la valeur que les titres détenus dans le capital de la société apporteuse avaient immédiatement avant la scission partielle.
Aussi, la Cour conclut à la contrariété de la législation hongroise à la directive « Fusions ».
On soulignera que la CJUE a déjà condamné, à plusieurs reprises, les contraintes imposées par des législations nationales et non prévues par la directive pour l’application du régime de faveur (notamment, 11 décembre 2008, aff. 285/07, A.T. c/ Finanzamt Stuttgart-Körperschaften).
On notera enfin que cette décision a été rendue sans conclusions d’avocat général.