Le Conseil d’Etat juge que ne constitue pas un acte anormal de gestion la prise en charge, par une société, des rémunérations d’un salarié mis à sa disposition par sa société mère, pour qu’il exerce en son sein les fonctions de président.
Eléments de contexte
On sait que l’Administration est susceptible de remettre en cause, sur le terrain de l’acte anormal de gestion, la déductibilité des sommes versées par une filiale à sa société mère en exécution d’une convention de management fees à défaut de justification des prestations rendues ou de leur rémunération au juste prix.
Ces redressements ont été confirmés à plusieurs reprises par des juridictions du fond. En particulier, dans l’affaire Gamlor, la CAA de Nancy avait pu juger que les sommes n’étaient pas déductibles en tant que charges, dans la mesure où les prestations ainsi facturées correspondaient à l’activité déployée par le dirigeant commun des 2 sociétés pour l’exercice des fonctions normales inhérentes à son mandat social. Elle avait précisé, à cet égard, que la décision de la filiale de ne pas rémunérer son dirigeant constituait une décision de gestion opposable à la société (CAA Nancy, 9 octobre 2003, n°98-2182, SA Gamlor).
Récemment, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer, pour la 1re fois, sur la question, en jugeant que le versement d’honoraires en exécution d’une convention de management fees conclue entre 2 sociétés ayant des dirigeants communs n’était pas, en soi, constitutif d’un acte anormal de gestion (Conseil d’Etat, 4 octobre 2023, n°466887, Collectivision).
L’histoire
Une société mère et sa filiale, détenue à 51%, ont conclu une convention au titre de laquelle la première s’engageait à mettre à disposition de la seconde l’un de ses salariés, en vue de l’exercice de fonctions de président, moyennant remboursement de la rémunération et des avantages en nature du salarié.
A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012 et 2013, l’Administration a remis en cause la déduction par la filiale des sommes versées à sa mère dans ce cadre.
Elle considérait, en effet, que la prise en charge indirecte de la rémunération de son président avait le caractère d’un acte anormal de gestion, faute d’avoir été autorisée par l’assemblée générale de la société.
La décision du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat écarte la qualification d’acte anormal de gestion.
Il relève, à cet égard, que les statuts de la filiale prévoyaient expressément que son président était désigné par sa société mère, et que c’était cette dernière qui en fixait, de surcroît, annuellement la rémunération. Par un PV d’AG du même jour, il a été exclu toute rémunération directe par la filiale de son président.
Le Conseil d’Etat souligne, en outre, que les salariés de la mère successivement détachés auprès de la filiale au cours des 2 exercices en litige avaient, conformément à la convention, exclusivement exercé leur activité auprès de la filiale, et avaient effectivement assuré sa direction et l’ensemble des fonctions qui leur étaient dévolues en qualité de président de cette dernière, conformément à la convention conclue entre les 2 sociétés.
Enfin, il rappelle que l’Administration n’a, à aucun moment de la procédure, regardé les rémunérations versées à ce titre comme étant excessives.
On notera qu’il s’agit ici d’une situation plus « pure » que celle ayant donné lieu à la décision Collectivision précitée, relative, on le rappelle, à la conclusion par une société d’une convention avec une autre société pour la réalisation par le dirigeant de la première des fonctions de direction lui étant en principe dévolues.