Le Conseil d’Etat juge que la détermination de la date à laquelle intervient le transfert de siège n’est pertinente que dans l’hypothèse où la société poursuit l’exploitation d’une entreprise en France.
Rappel
Le transfert de siège d’une entreprise depuis la France vers l’étranger entraîne, en principe, cessation d’entreprise et les conséquences qui y sont associées (taxation des PV/MV latentes, taxation du résultat depuis l’ouverture de l’exercice, perte des attributs fiscaux etc.).
Des dispositions spécifiques (CGI, art. 221, 2) sont toutefois prévues dans l’hypothèse d’un transfert de siège depuis la France vers un autre Etat de l’UE (ou vers un Etat de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement).
Lorsqu’un tel transfert de siège s’accompagne du transfert d’éléments d’actif, il entraîne l’imposition des PV latentes et des PV en report ou en sursis d’imposition constatées sur les éléments d’actif immobilisé transférés. L’entreprise peut opter pour un étalement sur 5 ans de cette imposition.
Dans le cas où le transfert porte sur l’intégralité des actifs et entraîne la fin de l’assujettissement à l’IS de l’entité en France, il entraîne également l’imposition immédiate des bénéfices d’exploitation non encore taxés et des provisions devenues sans objet, dès lors que l’activité ne sera plus exploitée en France. La société doit alors déclarer ces éléments et payer l’impôt correspondant dans les 3 mois qui suivent le transfert.
L’histoire
Par délibération de ses AGE des 29 novembre 2012 et 20 décembre 2012, une société exerçant en France une activité de conseil et de gestion, a décidé de transférer son siège social au Luxembourg, décision confirmée par une nouvelle délibération le 20 décembre 2012, actant également son changement de nationalité et de dénomination sociale.
Ce transfert a été déclaré au RCS le 18 mars 2013, et la radiation de la société du RCS a été publiée le 3 avril 2013.
A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2013 et 2014, l’Administration a considéré que le transfert de siège ne lui était devenu opposable qu’à compter du 3 avril 2013 et a entendu imposer la société à raison des plus-values constatées sur les éléments de l’actif immobilisé transférés vers son siège.
La décision du CE
Le Conseil d’Etat rappelle, en 1er lieu, qu’il convient de distinguer 2 cas de figure :
- Soit le transfert de siège s’accompagne de la cessation totale ou partielle de l’assujettissement de la société à l’IS en France : ce transfert entraîne l’imposition immédiate des bénéfices d’exploitation non encore taxés, indépendamment de la date à laquelle l’Administration a eu connaissance du transfert de siège.
- Soit le siège est transféré, mais la société poursuit l’exploitation d’une entreprise en France : il convient d’imposer, à la date du transfert de siège, les seules PV en report ou en sursis, ainsi que les PV latentes constatées sur les éléments de l’actif immobilisé transférés en même temps que le siège – avec possibilité d’opter pour le dispositif d’étalement de l’imposition en cas de transfert de siège dans un Etat de l’UE ou de l’EEE (sous conditions). Mais ce mécanisme ne saurait être mis en œuvre à une date postérieure à celle à laquelle la société a totalement cessé d’être soumise à l’IS en France.
Autrement dit, le Conseil d’Etat juge que la détermination de la date du transfert de siège n’est pertinente que dans l’hypothèse où la société poursuit l’exploitation d’une entreprise en France.
Au cas d’espèce, l’Administration n’établissait pas qu’après la date à laquelle elle a eu connaissance du transfert de siège (date de publication de la radiation de la société du RCS), la société aurait poursuivi l’exploitation d’une entreprise en France.
Aussi elle ne pouvait pas mettre en œuvre les dispositions de l’article 221, 2, al. 3 du CGI.