Exercice de rattachement de prestations discontinues à échéances successives

Le Conseil d’État juge que les produits correspondant à des prestations discontinues à échéances successives intégralement payées d’avance, et auxquelles le client est réputé avoir contractuellement renoncé, regardées comme achevées, doivent être rattachés à l’exercice au cours duquel cette renonciation est intervenue. Est sans incidence à cet égard l’existence d’une pratique commerciale de l’entreprise permettant, dans certains cas, à ses clients de bénéficier néanmoins, en dépit d’une telle renonciation, de la réalisation des prestations considérées.

Rappel

En application des dispositions du 2 bis de l’article 38 du CGI, les produits résultant de la facturation d’une prestation de services sont rattachés à l’exercice au cours duquel intervient l’achèvement de cette prestation.

Une exception est néanmoins prévue par le texte s’agissant des produits des prestations continues et des prestations discontinues à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, lesquels doivent être pris en compte au fur et à mesure de leur exécution.

L’histoire

Une société proposait à ses clients des prestations de services (cures d’amincissement) se composant de plusieurs séances réparties sur une durée de 15 à 20 mois et dont le prix était payable en intégralité à la date de signature du contrat.

Les conditions générales de vente de la société stipulaient toutefois qu’une interruption par le client des séances pour une durée supérieure à 3 mois impliquait automatiquement la perte des soins à effectuer dans le cadre de sa cure initialement souscrite, sauf cas de force majeure ou de motif légitime.

A la clôture de l’exercice 2015, la société a considéré que les versements reçus en avance au titre des prestations non encore réalisées devaient être exclus du résultat de l’exercice par le biais de produits constatés d’avance.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a remis en cause cette exclusion, au motif que ces versements correspondaient certes à des séances non encore réalisées, mais dont les clients avaient contractuellement perdu le droit à l’exécution, en raison d’une interruption des séances pour une durée supérieure à 3 mois.

La décision du Conseil d’État

Devant le Conseil d’État, la société arguait qu’elle avait pour pratique, à titre de geste commercial, d’accorder aux clients ayant interrompu leur cure pendant plus de 3 mois, quel que soit le motif de cette interruption, la possibilité, à leur demande, d’obtenir néanmoins la réalisation des soins pour lesquels ils avaient procédé au paiement intégral d’avance.

Dans un considérant de principe dénué d’ambiguïté, le Conseil d’État juge que le simple geste commercial qu’une société est susceptible de consentir librement à un client, en acceptant de mener jusqu’à son terme l’exécution d’une prestation à laquelle le client est contractuellement réputé avoir renoncé, ne peut avoir pour effet, quand bien même il relèverait d’une pratique constante de cette société, de repousser la date de fin d’exécution de cette prestation au-delà de celle contractuellement prévue.

Au cas d’espèce, le Conseil d’État juge que les prestations interrompues depuis plus de 3 mois pour lesquelles il n’a pas été justifié d’un cas de force majeure ou d’un motif légitime devaient être regardées comme achevées (et non comme en cours d’exécution) et rattachées à l’exercice considéré.

Notons que, par le passé, le Conseil d’État a pu faire preuve de souplesse en se référant aux usages particuliers à une profession pour apprécier l’achèvement d’une prestation et déterminer l’exercice de rattachement d’une créance (pour des courtiers en vins, voir CE, 24 février 1988, n°65430 – pour des courtiers en laine voir CE, 6 mai 1996, n°156015). Il convient cependant de relever qu’il a expressément défini ces usages comme s’entendant des pratiques qui « en raison notamment de leur ancienneté, de leur fréquence ou de leur généralité, sont regardées comme normales dans le secteur d’activité considéré ».

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.

Agathe Saint Joanis

Agathe Saint Joanis a intégré Deloitte Société d’Avocats en 2019. Elle y a rejoint l’équipe du Comité Scientifique Fiscal.