Mise en évidence d’un ES occulte en France : Nouvelle illustration jurisprudentielle de la CAA de Paris

Rappel

Par application du principe de territorialité de l’impôt sur les sociétés, seuls sont imposables en France les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (CGI, art. 209, I).

En cas de découverte d’une activité occulte, le droit de reprise de l’Administration s’exerce jusqu’à la fin de la 10e année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. L’activité est considérée comme occulte lorsque le contribuable n’a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire, et qu’il n’a pas fait connaître son activité à un CFE ou au greffe du tribunal de commerce, ou qu’il s’est livré à une activité illicite (LPF, art. L. 169 et L. 174).

La preuve du caractère occulte est présumée apportée dès lors que le contribuable ne s’est pas acquitté de ces obligations déclaratives, sans que l’Administration ne soit tenue de démontrer de surcroît que son comportement révélait son intention de dissimuler son activité (CE, 7 décembre 2015, n°368227, Frutas y Hortalizas SL).

Le contribuable peut toutefois renverser cette présomption, en faisant valoir qu’il a commis une erreur justifiant qu’il ne se soit acquitté d’aucune de ses obligations déclaratives (solution d’abord limitée à l’application de la majoration pour activité occulte, CE, 7 décembre 2015, n°368227, Sté Frutas y Hortalizas Murcia SL, puis transposée à l’application du délai spécial de reprise de 10 ans, CE, 21 juin 2018, n°411195).

L’histoire

Une société immatriculée à Hong Kong et exerçant une activité de commercialisation de sacs réutilisables et d’achat revente à l’exportation a fait l’objet d’une visite domiciliaire (opérations de visites et de saisies menées dans les locaux de son client principal en France – qui se trouvait également être une société sœur) et d’une demande d’assistance administrative internationale ainsi que d’une vérification de comptabilité au titre des années 2005 à 2014.

A l’issue de ces opérations, l’Administration, considérant que la société exerçait une activité occulte en France par le biais d’un établissement stable au titre de la période vérifiée, l’a assujettie aux impôts commerciaux en France. 

La décision de la CAA de Paris

Sur l’existence d’un établissement stable en France

La CAA de Paris, se fondant sur les éléments saisis (notamment, organigramme extrait d’un rapport de stage – validé par le maître de stage) confirme l’existence d’une installation fixe d’affaires en France caractérisant un établissement stable :

  • Les personnes travaillant pour la société hongkongaise étaient domiciliées en France et exerçaient leur emploi en France au sein de la société française (client principal) ;
  • La facturation et la comptabilité de la société contrôlée étaient réalisées en France dans les locaux de la société française (et en langue française) ;
  • Les numéros de téléphones apparaissant sur les documents de la société vérifiée correspondaient aux lignes fixes de la société française ouvertes auprès d’un opérateur français ;
  • Le pouvoir décisionnel de la société hongkongaise était situé en France (comptes bancaires gérés depuis la France, fixation et négociation des prix / fixation des marges et négociation des contrats / paiement des factures effectués depuis la France par le président de la société française, ainsi que par les dirigeants de fait et de droit de la société hongkongaise, tous domiciliés en France).

La Cour écarte par ailleurs l’application de la convention franco-hongkongaise, dans la mesure où la société hongkongaise ne justifiait pas avoir été assujettie à une quelconque imposition sur le territoire hongkongais (et ne pouvait dès lors revendiquer la qualité de résident conventionnel).

Sur la mise en œuvre du droit de reprise de 10 ans en présence d’une activité occulte

Au cas d’espèce, la société hongkongaise n’a déposé en France aucune des déclarations qu’elle était tenue de souscrire, elle n’a pas non plus fait connaître son activité à un CFE ou au greffe du tribunal de commerce.

Elle faisait valoir en défense – sans même invoquer une erreur de sa part – qu’elle n’avait pas à déclarer son activité en France, dès lors qu’elle déployait son activité depuis Hong-Kong où elle était régulièrement constituée et aurait réalisé l’ensemble des formalités nécessaires (sans toutefois l’établir). Elle n’établissait pas davantage qu’elle y aurait satisfait à ses obligations fiscales.

Dans ces conditions, la Cour confirme donc l’existence d’une activité occulte en France au titre de la période 2008-2014, justifiant l’application du délai de reprise allongé de 10 ans.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.

Agathe Saint Joanis

Agathe Saint Joanis a intégré Deloitte Société d’Avocats en 2019. Elle y a rejoint l’équipe du Comité Scientifique Fiscal.