Le Conseil d’Etat (4 mai 2018, n° 410950) apporte des précisions sur la notion même de comptabilité informatisée, ainsi que sur la portée de l’obligation d’information par l’Administration de la nature des traitements effectués.
Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l’ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables et fiscaux et à l’élaboration des déclarations rendues obligatoires par le CGI ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements (LPF, art. L. 13).
Par ailleurs, lorsque la réalisation du contrôle nécessite la mise en œuvre de traitements informatiques, ces traitements sont effectués, au choix du contribuable, soit sur le matériel de l’entreprise par le contribuable lui-même ou par l’Administration, soit sur des copies fournies par l’entreprise sur support informatique par l’Administration (LPF, art. L. 47 A).
Le Conseil d’Etat vient de préciser que doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières, ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable, dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières, dès lors qu’ils concourent effectivement à l’établissement de la comptabilité. Est sans incidence à cet égard la circonstance que les données ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.
Il s’agissait, en l’espèce, des caisses enregistreuses d’un restaurant et d’un bar, équipées d’un logiciel informatique, ainsi que de « rampes de bar » pilotées par un système informatique. Le Conseil d’Etat considère que ces équipements permettaient bien, par leurs fonctions de facturation et d’encaissement, une centralisation journalière des recettes, et concouraient ainsi à la formation des résultats comptables de la société. Le fait que les recettes étaient totalisées manuellement, puis rapprochées pour vérification des enregistrements des caisses et des « rampes de bar », avant d’être regroupées dans un « brouillard de caisse » tenu sous fichier de calcul bureautique et dont les données étaient de nouveau saisies dans le progiciel de comptabilité ne fait pas obstacle à la qualification de comptabilité informatisée.
Pour mémoire, le Conseil d’Etat avait jugé par le passé que la comptabilité d’un restaurant ne pouvait être regardée comme tenue au moyen d’un système informatisé, alors même que la société possédait plusieurs caisses enregistreuses reliées entre elles, en l’absence de progiciel de comptabilité et de centralisation de ses recettes journalières de manière informatique (CE, 9 avril 2014, n° 369929, Sté Gamboni Restauration)
Par ailleurs, le Conseil d’Etat précise la portée de l’obligation d’information par l’Administration de la nature des traitements effectués, lorsque le contribuable opte pour un contrôle effectué par l’Administration sur des copies des documents, données et traitements.
Dans ce cas, il lui appartient de préciser la nature des traitements effectués et les fichiers utilisés, ainsi que les modalités de détermination des éléments servant de base de calcul aux rehaussements. En revanche, elle n’a l’obligation de communiquer ni les algorithmes, logiciels ou matériels qu’elle a utilisés ou envisage de mettre en œuvre pour effectuer ces traitements, ni les résultats de l’ensemble des traitements qu’elle a réalisés, que ce soit préalablement à la proposition de rectification ou dans le cadre de celle-ci.
L’avis du praticien : Pascal Seguin
En son temps, l’arrêt Sté Gamboni avait surpris en ce sens qu’il allait à contre-courant tant de la lettre que de l’esprit de l’article 103 de la loi de finances pour 1990 qui a posé les bases du contrôle fiscal informatisé tel que nous le connaissons encore aujourd’hui.
Il aura donc fallu quatre ans au Conseil d’Etat pour accorder sa jurisprudence avec la loi qui prévoit clairement à l’article L. 13 IV du LPF que « lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés [il ne s’agit pas nécessairement d’un logiciel comptable stricto sensu], le contrôle porte sur l’ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement [système / logiciel de comptabilité générale] ou indirectement [tous types de systèmes informatisés pour peu que les données qu’ils traitent et/ou les résultats qu’ils produisent concourent, tels les logiciels et systèmes de caisse, au moins indirectement à…] à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l’élaboration des déclarations rendues obligatoires par le Code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements ».
Si le rythme se maintient, on peut donc s’attendre en 2020 à une réforme de la jurisprudence surréaliste SNC Révillon de juin 2016, en vertu de laquelle l’évaluation d’office en raison de l’impossibilité de procéder aux traitements informatiques prévus à l’article L. 47 A, II du LPF ne serait pas applicable si les données visées par la demande de traitement ont été détruites préalablement à la réception par le contribuable d’un avis de vérification !