Le Conseil d’État juge que le fait pour l’Administration de renoncer à la mise en œuvre de la pénalité de 80 % pour activité occulte ne constitue pas une prise de position formelle en ce qui concerne le bien-fondé de l’exercice du droit de reprise de 10 ans, lorsqu’elle met à jour une activité occulte.
Rappel
En cas de découverte d’une activité occulte, le droit de reprise de l’Administration s’exerce jusqu’à la fin de la 10e année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. L’activité est considérée comme occulte lorsque le contribuable n’a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire, et qu’il n’a pas fait connaître son activité à un CFE ou au greffe du tribunal de commerce, ou qu’il s’est livré à une activité illicite (LPF, art. L. 169 et L. 174).
De plus, la découverte d’une telle activité est susceptible d’entraîner l’application d’une majoration de 80 % (CGI, art. 1728, 1, c).
La preuve du caractère occulte est présumée apportée dès lors que le contribuable ne s’est pas acquitté de ces obligations déclaratives, sans que l’Administration ne soit tenue de démontrer que son comportement révélait son intention de dissimuler son activité (CE, 7 décembre 2015, n°368227, Frutas y Hortalizas SL).
Le contribuable peut toutefois renverser cette présomption, en faisant valoir qu’il a commis une erreur justifiant qu’il ne se soit pas acquitté d’aucune de ses obligations déclaratives (solution d’abord limitée à l’application de la majoration pour activité occulte, CE, 7 décembre 2015, n°368227, Sté Frutas y Hortalizas Murcia SL, puis transposée à l’application du délai spécial de reprise de 10 ans, CE, 21 juin 2018, n°411195).
Le Conseil d’État a précisé que s’agissant d’un contribuable qui fait valoir qu’il a satisfait à l’ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l’erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et notamment du niveau d’imposition dans cet autre Etat et des modalités d’échange d’informations entre les administrations fiscales des deux Etats (CE, 7 décembre 2015, n°368227, Sté Frutas y Hortalizas Murcia SL; CE, 27 novembre 2020, n°428898).
L’histoire
A la suite d’une vérification de comptabilité, l’Administration a considéré que l’activité professionnelle de jockey exercée à titre indépendant par une personne physique devait être regardée comme l’ayant été de manière occulte sur le territoire français, au titre des années 2013 à 2016.
En conséquence, elle a entendu faire usage de son droit de reprise allongé de 10 ans, et appliquer la majoration de 80 % prévue en cas de découverte d’une activité occulte. A la suite de l’exercice du recours hiérarchique, elle a toutefois prononcé la décharge de cette majoration.
La décision du Conseil d’État
Au cas d’espèce, le contribuable n’avait souscrit en France aucune déclaration de résultats afférente à son activité indépendante de jockey professionnel, laquelle n’ayant, par ailleurs, fait l’objet d’aucune déclaration d’existence auprès d’un CFE ou du greffe du tribunal de commerce territorialement compétent.
Devant le Conseil d’État, le contribuable a d’abord tenté de se prévaloir de l’existence d’une erreur commise de bonne foi sur le lieu d’imposition de ses revenus (déclarés en Italie, où ils y avaient été imposés).
Le Conseil d’État écarte l’existence d’une telle erreur de bonne foi, en se fondant, en ligne avec sa jurisprudence Sté Frutas y Hortalizas Murcia SL précitée,sur les éléments suivants :
- L’existence d’un différentiel important entre l’IR acquitté en Italie et celui mis à la charge du contribuable à l’issue du contrôle (en dépit de taux d’imposition comparables dans ces 2 Etats) ;
- Les montants des revenus déclarés dans les 2 Etats.
Le contribuable a ensuite tenté de faire valoir que la décision de l’Administration de lui accorder la décharge de la majoration de 80 % pour activité occulte devait s’analyser comme une prise de position formelle au sens de l’article L. 80 B du LPF, faisant obstacle à ce qu’elle puisse faire jouer son droit de reprise décennal, applicable en pareille hypothèse.
Le Conseil d’État juge toutefois que cette renonciation, prise à titre de mesure de tolérance, concernait exclusivement les pénalités dont avaient été assortis les suppléments d’impôt en litige, et ne pouvait, partant, être regardée comme une prise de position formelle en ce qui concerne le bien-fondé de l’exercice du droit de reprise décennal lors de la découverte d’une activité occulte.