Le Conseil d’État refuse de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC, portant sur la contrariété au principe de proportionnalité des peines (garanti par l’article 8 de la DDHC) de l’amende de 50 % pour facture fictive, prévue à l’article 1737, I, 2 du CGI.
Eléments de contexte
Les personnes qui délivrent une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de services réelle sont redevables d’une amende égale à 50 % du montant de la facture (CGI, art. 1737, I, 2).
La conformité à la Constitution de cette amende a été confirmée, il y a déjà longtemps, par le Conseil constitutionnel (décision n°97-295 DC, 30 décembre 1997).
Un contribuable a néanmoins sollicité une demande de transmission de QPC, en se prévalant « d’un changement de circonstances de droit », intervenu depuis la décision de 1997.
On notera, à cet égard, qu’un argument similaire avait convaincu le Conseil d’État d’adresser au Conseil constitutionnel une nouvelle QPC, relative à la constitutionnalité de l’amende de 50 % pour défaut de déclaration IFU/DAS 2.
Ainsi, en 2012, le Conseil constitutionnel avait validé la conformité à la Constitution de cette amende (décision du 20 juillet 2012, n°2012-267 QPC). En 2022, le Conseil d’État a justifié sa demande de transmission d’une nouvelle QPC portant sur la même pénalité, par un « changement de circonstances » intervenu depuis 2012, matérialisé par une série de déclarations d’inconstitutionnalité d’amendes proportionnelles prononcées par le Conseil constitutionnel depuis cette date :
- Décision 2016-554 QPC : Ancienne amende de 5 % pour défaut de déclaration de comptes bancaires à l’étranger ;
- Décision 2016-618 QPC : Anciennes amendes de 12,5 % et 5 % pour défaut de déclaration annuelle et événementielle des trusts ;
- Décision 2017-667 QPC : Ancienne amende de 5 % sanctionnant le défaut de déclaration annuelle des contrats de capitalisation souscrits à l’étranger ;
- Décision 2021-908 QPC : Ancienne amende de 50 % prévue à l’article 1737, I,3 sanctionnant le défaut d’émission de facture (la LF 2022 était ensuite venue aménager en conséquence les modalités d’application de cette amende).
Le Conseil constitutionnel avait néanmoins prononcé un non-lieu à statuer, considérant que ces décisions ne modifiaient pas la portée du principe de proportionnalité des peines, lorsqu’il s’applique à une sanction fiscale dont le montant procède de l’application d’un taux à une assiette (décision n°2022-1001 QPC du 1er juillet 2022).
Le refus de transmission du Conseil d’État
Le Conseil d’État refuse de faire droit à la demande de transmission de la QPC, au double motif qu’elle n’est ni nouvelle, ni revêtue d’un caractère sérieux.
Il indique, à cet égard, que :
- L’instauration de l’amende incriminée poursuivait l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale ;
- En fixant l’amende encourue en proportion du montant figurant sur la facture fictive, le législateur a instauré une sanction dont l’assiette est en lien avec la nature de l’infraction ;
- Le taux de 50 % ne peut être regardé comme manifestement disproportionné au regard de la gravité des manquements que le législateur a entendu réprimer, dès lors que ceux-ci portent sur une opération réalisée par des professionnels dans le cadre de leur activité et ont nécessairement un caractère intentionnel.
Au cours des dernières années, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé conforme à la Constitution :
- L’amende de 50 % pour factures de complaisance (CGI, art. 1737, I, 1 – Décision n°2021-942 QPC, du 21 octobre 2021) ;
- L’amende de 5 % pour défaut d’autoliquidation de la TVA (CGI, art. 1788 A, 4, al. 1, décision n°2022-1009 QPC, du 22 septembre 2022).