Application du mécanisme de l’acompte contemporain à certains revenus tirés d’une activité salariée exercée en France et versés par un employeur étranger (LF 2023) : 1res précisions de l’administration fiscale

Dans le cadre d’une mise à jour du site impots.gouv.fr, l’administration fiscale apporte des premières précisions sur le champ d’application géographique du nouveau dispositif.

Rappel

Pour mémoire, la LF 2023 est venue soumettre, dans un souci de simplification, à compter du 1er janvier 2023, au mécanisme de l’acompte contemporain, les traitements et salaires de source française versés à un contribuable fiscalement domicilié en France par un employeur établi hors de France, sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions.

Cette mesure, qui vise principalement les travailleurs frontaliers en situation de télétravail, a pu semer le doute s’agissant de son champ d’application géographique.

En effet, pour que le dispositif s’applique, les conditions suivantes doivent être satisfaites :

  • L’employeur doit être établi dans un État membre de l’UE ou dans un État ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la Directive 2010/24/UE du 16 mars 2010 (y compris si celle-ci est limitée au recouvrement de l’IR dû au titre de ces traitements et salaires), et qui n’est pas un ETNC (au sens de l’article 238-0 A du CGI) ;
  • Le salarié bénéficiaire des revenus ne doit pas être à la charge d’un régime obligatoire français de sécurité sociale par application de l’article 13 du règlement (CE) 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Ainsi, seraient concernés les salariés résidant en France et percevant des rémunérations d’un employeur étranger à raison d’une activité exercée en France pour une durée inférieure à 25 % de leur temps de travail total. A titre d’exception, les travailleurs frontaliers relevant, en principe, du régime de sécurité sociale suisse, mais ayant expressément demandé à être assujettis au régime français en application des dispositions de l’article L. 380-3-1 du CSS seraient également dans le champ d’application du nouveau système d’acompte.

Or, la condition tenant à la signature d’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la Directive 2010/24/UE du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement semblait devoir exclure la Suisse du champ d’application de la réforme (l’article 28 bis de la convention limitant le périmètre à l’assistance en matière de notification d’actes et excluant l’aide au recouvrement effectif par voie de mesures conservatoires), alors même que les travaux parlementaires et la référence à l’article L. 380-3-1 du CSS l’incluaient clairement (sur ce point, voir l’analyse de Magda Yasumoto et Romain Ressiguier publiée sur le blog de Deloitte Société d’Avocats).

La question pouvait également se poser pour les employeurs établis au Royaume-Uni, compte tenu du Brexit et du changement de réglementation applicable depuis le 1er janvier 2021.

Premières précisions apportées par l’Administration fiscale

Dans son communiqué publié sur le site www.impots.gouv.fr, l’administration fiscale indique qu’en pratique « sont essentiellement concernés les employeurs situés dans l’un des 27 États membres de l’UE, en Islande, en Norvège ou au Royaume-Uni pour les salaires versés à leurs salariés résidents fiscaux français qui exercent leur activité professionnelle dans l’un de ces pays et en France, l’activité en France n’y étant pas substantielle ».

Ainsi, elle semble clairement exclure la Suisse du champ d’application de la réforme bien que ces deux contradictions restent notables : d’une part la référence au Code de la sécurité sociale propre aux frontaliers suisses et d’autre part l’amendement de fin novembre qui reprend la Suisse en exemple à deux reprises pour justifier de la mise en place de cette mesure.

S’agissant du Royaume-Uni, elle précise que ne sont concernés que les salariés résidents fiscaux français qui se trouvent dans l’une des situations prévues à l’article 30 de l’accord de retrait entre l’UE et le Royaume-Uni du 17 octobre 2019, à savoir principalement ceux qui étaient affiliés à la sécurité sociale britannique avant le 1er janvier 2021 et qui le sont demeurés sans interruption depuis.

Concrètement, pour les salariés affiliés postérieurement au 1er janvier 2021 au régime britannique de sécurité sociale, l’employeur britannique restera assujetti aux obligations classiques du PASRAU (formalités d’enregistrement, déclaration et paiement mensuels, déclaration annuelle). Il pourra donc en résulter une dichotomie de régimes applicables pour un même employeur britannique alors que la raison même de cette mesure visait la simplification des dispositions actuelles.

On attendra des précisions complémentaires.

 

L’avis du praticien : Magda Yasumoto et Romain Ressiguier

Concernant l’exclusion de la Suisse de cette mesure d’assouplissement, il convient de rappeler que les salariés frontaliers couverts par l’accord de 1983 (salariés résidents fiscaux de France travaillant dans les cantons de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura) sont déjà assujettis à l’acompte contemporain sur l’intégralité de leur rémunération lorsque les conditions liées à la qualité de salarié frontalier sont remplies.

Concernant les autres travailleurs « frontaliers suisses » relevant des dispositions prévues par la convention fiscale bilatérale signée en 1966 (applicable aux cantons de Genève, Argovie, Fribourg et Zurich), ils sont pleinement imposables en Suisse lorsque les conditions du statut de travailleur frontalier sont respectées (à savoir un commuting quotidien entre la France, Etat de résidence, et la Suisse, Etat d’emploi)

Des accords amiables entre la France et la Suisse ont été récemment conclus afin de permettre à ces salariés frontaliers France/Suisse de réaliser leur activité en télétravail depuis leur domicile en France jusqu’à 40 % de leur temps de travail sans remettre en cause leur régime dérogatoire d’imposition (imposition exclusive des revenus en France en vertu de l’accord de 1983). Pour les travailleurs frontaliers relevant de la convention fiscale de 1966, la mesure d’assouplissement prévue à l’article 3 de la loi de Finances pour 2023 présente une portée très limitée pour les employeurs suisses dans l’état actuel de l’accord amiable. Sous réserve qu’un avenant définitif à la convention fiscale soit signé avant le 30 juin 2023 pour une mise en œuvre pérenne, cette mesure d’assouplissement permet le télétravail jusqu’à 40 % à compter du 1er janvier 2023 pour les salariés frontaliers franco-suisses depuis leur domicile situé en France, sans générer d’obligations fiscales en France, autant pour le salarié que l’employeur établi en Suisse.

L’évolution de cet avenant est à scruter avec attention : à défaut de signature avant le 30 juin 2023, l’accord amiable prendra fin immédiatement avec un retour à la case départ et un imbroglio fiscal pour les employeurs suisses.

Magda Yasumoto

Magda Yasumoto, Avocat Associée, au sein de la ligne de service Global Employer Services (GES). Elle a rejoint Deloitte en 2003 et compte un peu plus de 14 années d’expérience […]

Romain Ressiguier

Romain travaille depuis plus de 10 ans dans le domaine de la mobilité internationale, accompagnant les particuliers ainsi que les multinationales cessionnaires (entreprises étrangères et françaises) avec leurs obligations fiscales […]