Le Conseil d’État juge qu’un contribuable exerçant seul le contrôle sur une société étrangère peut être imposé, sur le fondement de l’article 123 bis du CGI, à raison d’une quote-part de 100 % du produit des actifs de ladite société, même s’il ne détient pas l’intégralité du capital de la société.
Le dispositif anti-abus de l’article 123 bis du CGI
Pour mémoire, l’article 123 bis du CGI prévoit l’imposition des avoirs détenus à l’étranger par une personne physique fiscalement domiciliée en France, par l’intermédiaire d’une entité établie hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié et dont les actifs sont principalement financiers. Les bénéfices et les revenus positifs de cette entité sont alors réputés acquis par la personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu’elle détient dans cette entité et soumis à l’impôt sur le revenu sur une assiette majorée de 25 %.
Ce mécanisme anti-abus s’applique en cas de détention, directe ou indirecte, d’au moins 10 % dans l’entité étrangère. La détention de 10 % est présumée lorsque l’entité considérée est située dans un ETNC.
L’histoire
L’Administration a entendu mettre en œuvre les dispositions de l’article 123 bis du CGI à l’encontre d’un contribuable français, à raison des sommes créditées au titre de l’année 2009 sur le compte bancaire suisse d’une société de droit panaméen.
Si le contribuable ne détenait pas l’intégralité des titres de la société panaméenne, l’Administration l’a cependant imposé sur le fondement des dispositions de l’article 123 bis à raison d’une quote-part de 100% du produit des actifs de la société panaméenne.
Pour étayer sa position, l’Administration faisait valoir que le contribuable était l’ayant-droit économique unique et le seul associé de la société panaméenne, qu’il détenait sur le compte bancaire ouvert en Suisse des pouvoirs exclusifs et qu’il avait alimenté ce compte pendant des années de ses revenus professionnels non déclarés en France.
En outre, un certain nombre de courriers indiquaient clairement que le contribuable entendait léguer les avoirs détenus sur le compte bancaire suisse, ainsi que l’appartement acquis en France grâce aux fonds détenus par la société panaméenne, à ses enfants.
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État partage l’analyse de l’Administration et des juges du fond.
Reprenant les principes posés dans sa décision de mars 2020 (CE 10 mars 2020, n°427104), il rappelle qu’en instaurant le mécanisme anti-abus de l’article 123 bis du CGI, « le législateur a entendu imposer les résidents fiscaux à raison des bénéfices réalisés à l’étranger par certaines entités établies dans des États ou territoires dans lesquels elles sont soumises à un régime fiscal privilégié, sur lesquelles ces résidents exercent un contrôle même partagé, quelle que soit sa forme juridique et, dans le cas où il est quantifiable, supérieur à 10 % ».
Il juge ensuite que dans le cas d’espèce, le contribuable exerçait seul le contrôle de la société panaméenne, et devait, dès lors, être imposé à raison de la totalité du produit des actifs de cette société, peu important qu’il n’en ait pas la détention à 100 %.
Rappelons que la notion de détention pour l’application des dispositions de l’article 123 bis a également été adaptée récemment au cas particulier des trusts, le législateur ayant introduit une présomption de détention de 10 % de l’entité étrangère (présomption réfragable) pour le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant d’un trust au sens de l’article 792-0 bis du CGI (LF 2022, art. 133).