Selon le Conseil d’Etat, des délibérations d’AGE attribuant de manière limitée dans le temps l’ensemble des pertes réalisées par une SCI à un nombre restreint d’associés ne constituent pas des clauses léonines permettant à l’administration fiscale d’en refuser les effets.
Rappel
Pour mémoire, les dispositions de l’article 1844-1 du Code civil autorisent les associés d’une société à modifier la répartition des bénéfices et des pertes résultant de leurs droits sociaux, sous l’importante réserve de ne pas prévoir de clauses léonines.
Sont considérées comme telles les stipulations :
- attribuant à un associé la totalité du profit réalisé par la société – ou, au contraire, l’en excluant totalement ;
- mettant à sa charge l’intégralité des pertes – ou, à l’inverse, l’en exonérant totalement.
De telles clauses sont alors réputées non écrites.
L’histoire
2 époux sont associés d’une SCI (relevant du régime des sociétés de personnes), dont ils détiennent 0,5 % chacun, les 99 % restants étant détenus par leurs enfants.
Par 3 délibérations d’AGE au titre des exercices 2014, 2015 et 2016, la totalité des pertes enregistrées par la SCI au titre de ces mêmes exercices a été attribuée aux 2 époux.
Ils ont déclaré, pour l’établissement de leurs revenus imposables au titre des années considérées, des déficits fonciers correspondant à la totalité des pertes enregistrées par la société.
L’Administration a contesté ces déclarations, estimant que les décisions prises en AGE devaient être regardées comme des clauses léonines au sens des dispositions de l’article 1844-1 du Code civil, et donc être réputées non-écrites.
Dès lors, elle a considéré que la fraction des déficits fonciers de la SCI attribuée aux intéressés pour les années d’imposition litigieuses devait être limitée à celle correspondant à leur part dans le capital social – c’est-à-dire à 1%.
La décision du Conseil État
Le Conseil d’État (confirmant la décision des juges du fond) s’écarte de l’analyse retenue par l’Administration.
Il considère que les décisions des AGE ne dérogeaient que de manière ponctuelle au pacte social (pour certains exercices seulement) et ne pouvaient être regardées comme des clauses léonines au sens de l’article 1844-1 du Code civil, et ce, même si elles conduisaient, en pratique, à exonérer certains associés de toute participation aux pertes.
Aussi l’Administration ne pouvait-elle pas, sur ce terrain, refuser la prise en compte des déficits fonciers correspondants.