Conditions d’option pour la neutralisation des écarts de change sur certains prêts

Le Conseil d’État juge qu’un prêt conclu pour une durée déterminée inférieure à 3 ans, avec possibilité de reconduction tacite sur une base annuelle, ne satisfait pas à la condition de durée initiale d’au moins 3 ans permettant d’opter pour le dispositif de neutralisation des écarts de change sur certains prêts prévu à l’article 38,4 du CGI.

Rappel

Les écarts de conversion des devises, ainsi que des créances et dettes libellées en monnaies étrangères par rapport aux montant initialement comptabilisés sont, en principe, déterminés à la clôture de chaque exercice en fonction du dernier cours de change et pris en compte pour la détermination du résultat imposable de l’exercice (CGI, art. 38, 4). Ainsi, les pertes de change latentes sont déductibles tandis que les gains de change latents sont imposables.

Cela étant, les entreprises établies en France peuvent opter, de manière irrévocable, pour la neutralisation fiscale des écarts de change latents constatés sur les prêts, représentatifs d’une ressource durable et libellés en monnaies étrangères, qu’elles ont consentis, depuis le 1er janvier 2001, à leurs filiales ou sous-filiales implantées en dehors de la zone euro.

Le bénéfice de ce dispositif de neutralisation fiscale est toutefois subordonné au respect d’un certain nombre de conditions. Entre autres conditions, le prêt considéré doit avoir été consenti pour une durée initiale et effective d’au moins 3 ans et dans une monnaie autre que l’euro.

L’histoire

Fin 2013, une société française a consenti des prêts et avances en dollars américains à sa filiale cambodgienne, au titre desquels elle estimait pouvoir bénéficier du dispositif de neutralisation des écarts de change prévu par l’article 38,4 du CGI.

A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2015 à 2017, l’Administration a remis en cause le bénéfice de ce dispositif, et réintégré dans ses résultats les écarts de conversion comptabilisés, selon les années, au passif et à l’actif de son bilan, résultant de la fluctuation du taux de change modifiant la valeur en euros des créances détenues sur sa filiale cambodgienne.

Elle faisait valoir, à cet égard, que la condition tenant à la durée initiale de 3 ans du prêt n’était pas remplie.

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État confirme la non-application du dispositif de neutralisation des écarts de change (et la position retenue par les juges d’appel, CAA Lyon, 7 décembre 2023, 22LY00613).

Il juge ainsi que la condition tenant à la durée initiale d’au moins 3 ans du prêt doit s’apprécier à la date de l’octroi du prêt, et indépendamment de la condition tenant à sa durée effective. Autrement dit, il confirme qu’il s’agit de 2 conditions bien distinctes, devant être appréciées de manière indépendante.

Au cas d’espèce, le contrat avait initialement été conclu pour une durée déterminée inférieure à 3 ans.

Aussi, la condition tenant à la durée initiale du prêt n’était-elle pas satisfaite, peu important à cet égard que :

  • Le prêt présente un caractère reconductible ;
  • La société prêteuse se soit elle-même endettée pour une durée supérieure à 3 ans pour être en mesure de consentir le prêt en cause.
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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.