Le Conseil d’Etat précise les conditions d’octroi de l’agrément autorisant le transfert des déficits d’une société absorbée

Le Conseil d’Etat se prononce, pour la première fois, sur les nouvelles conditions d’obtention de l’agrément permettant le transfert des déficits à l’issue d’une fusion (ou d’une opération assimilée). Ces précisions portent tant sur les modalités d’application dans le temps de la réforme de 2012, que sur l’appréciation du changement significatif d’activité.

L’agrément permettant le transfert des déficits dans le cadre d’une fusion ou d’une opération assimilée était subordonné à deux conditions cumulatives : la justification économique de l’opération et la poursuite de l’activité à l’origine des déficits transférés par l’absorbante pendant une durée minimale de 3 ans.

Depuis 2012, la loi est venue légaliser la pratique du Bureau des Agréments en précisant les conditions d’octroi de l’agrément et en excluant de son champ les activités dites patrimoniales. Ainsi, l’activité à l’origine des déficits dont le transfert est demandé ne doit pas avoir fait l’objet de changement significatif pendant la période au titre de laquelle ces déficits ont été constatés, notamment en termes de clientèle, d’emploi, de moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité et ne doit pas davantage faire l’objet de changement significatif pendant la période de 3 ans au cours de laquelle l’activité doit être maintenue. Par ailleurs, les déficits provenant de la gestion d’une société holding ou d’un patrimoine immobilier ne peuvent pas faire l’objet d’un agrément. La loi prévoyait que ces nouvelles dispositions, issues de la 2e LFR 2012, s’appliquent aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012 (présentation du texte en conseil des ministres).

Pour le Conseil d’Etat, ces modifications concernent les déficits dont le transfert est demandé au cours d’un exercice clos à compter du 4 juillet 2012, peu importe l’exercice au titre duquel les déficits ont été constatés. Il suit ainsi les préconisations de son rapporteur public, lequel se référait notamment aux travaux parlementaires aux termes desquels le législateur a souhaité rendre les nouvelles conditions légales applicables aux demandes d’agrément présentées à compter de la présentation du projet de loi en conseil des ministres.

En revanche, la condition relative à l’absence de changement significatif de l’activité à l’origine des déficits s’apprécie au regard de la seule activité transférée. En particulier, l’Administration ne saurait, pour évaluer si l’activité transférée a subi un changement significatif, prendre en compte des éléments relatifs à une autre activité que celle à l’origine des déficits dont le transfert est demandé (en l’espèce, abandon d’une activité préexistante à l’issue d’une cession de branche d’activité). Le poids d’une branche par rapport à une autre est ainsi sans incidence.

L’avis du praticien – Mathieu Gautier

L’application rétroactive de nouvelles dispositions peut paraître choquante mais on voit mal comment les critères de changement d’activité se seraient appliqués sinon. Il n’est pas rare que des déficits aient été générés avant 2012 et que les exercices suivants soient également déficitaires. Les critères du changement d’activité entraînant la perte des déficits reportables ont également été modifiés en 2012. L’Administration a tenté d’appliquer ces critères, considérant que l’entreprise avait globalement changé d’activité. Le Conseil d’Etat censure cette approche.

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Patrick Fumenier

Patrick Fumenier a été avocat associé en charge de développer le knowledge management au sein de Deloitte Société d’Avocats de septembre 2016 jusqu’à son départ du Cabinet en janvier 2020. […]